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Nouveaux féminismes

Avec Mathilde Blézat et Lucie Geffroy
Rencontre animée par Guénaël Boutouillet

Où en est le féminisme dans cette époque troublée du post-#MeToo ? C’est à cette question, et à bien d’autres, que répondront Mathilde Blézat et Lucie Geoffroy. Autrice, avec d’autres collaboratrices, de la version française revisitée et actualisée de Notre corps, nous-mêmes (classique du féminisme paru en 1973 aux États-Unis qui aborde à travers de nombreux témoignages le corps, la sexualité, l’avortement, la vieillesse ou l’émancipation), Mathilde Blézat se penchera avec Lucie Geoffroy, cofondatrice de la revue trimestrielle La Déferlante, consacrée aux thématiques liées au féminisme et au genre, le brûlant et épineux sujet du/des féminismes contemporains.


À lire :

  • La Déferlante. La revue des révolutions féministes.
  • Collectif, Notre corps, nous-mêmes, Hors d’atteinte, 2020.

La rencontre sera suivie d’un temps de discussion informelle avec le public.

DR

Beyrouth ô Beyrouth !

Avec Camille Ammoun et Lamia Ziadé
Rencontre animée par Élodie Karaki

Pour Octobre Liban, l’écrivain Camille Ammoun, par ailleurs spécialiste des questions de résilience et de durabilité urbaine, a arpenté la rue la plus longue de la capitale, histoire de mieux cerner le souffle révolutionnaire qui s’est emparé de Beyrouth en 2019 (à l’image du printemps arabe égyptien ou du hirak algérien). Une artère étroite de plus de 5 kilomètres qui change de nom et traverse tout le centre-ville, où l’auteur a interrogé les gens, participé aux débats improvisés et s’est infiltré dans les lieux alternatifs. Un vent d’espoir malheureusement réduit à néant le 4 août 2020 à 18h07 précises avec l’explosion d’un stock de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium générant un souffle ressenti à des dizaines de kilomètres à la ronde, l’effondrement de nombreux bâtiments, causant la mort de 171 personnes et plus de 6 500 blessés et détruisant l’artère d’où était partie la contestation populaire.
De son côté Lamia Ziadé, auteure et illustratrice, raconte avec Mon port de Beyrouth la manière dont elle a vécu ce drame explosif depuis Paris et au plus profond de sa chair, mélangeant les témoignages des membres de sa famille, rendant hommage aux victimes, tressant des louanges aux pompiers, bénévoles et membres du corps soignant, ponctuant le tout de son ressenti personnel face à son pays natal et de flashback sur l’histoire du Liban. Le tout en alternant textes et dessins dans un livre qui émeut par son urgence et sa sincérité.
Avec Beyrouth en personnage principal, les livres de Camille Ammoun et de Lamia Zadié se font écho, l’un se terminant là où l’autre débute, lorsqu’un drame a éteint la flamme d’un espoir démocratique et remis malheureusement en mémoire la corruption politique qui gangrène le pays depuis des générations.


À lire

  • Camille Ammoun, Octobre Liban, Inculte, 2020.
  • Lamia Ziadé, Mon Port de Beyrouth, P.O.L, 2021.

Remise du prix littéraire du Barreau de Marseille

Avec Laurent Petitmangin et le ou la lauréate 2021
Remise du prix et entretien animés par Nicolas Lafitte


Depuis l’an dernier, Oh les beaux jours ! a répondu à l’appel du Barreau de Marseille, désireux d’organiser un prix littéraire. Très vite, nous sommes tombés d’accord pour dire que ce prix, s’il ne devait pas exclure les genres stimulants du polar et du roman noir, devait aussi s’étendre plus largement aux livres dont les sujets étaient en lien avec les préoccupations éthiques ou professionnelles des avocats.
Histoires familiales complexes et parfois tragiques, réalité difficile du monde du travail, parentalité, technocratie judiciaire, carcérale et policière, parts sombres et parfois insondables de l’individu, violence des parcours migratoires… les six romans sélectionnés cette année nous entraînent avec force dans des histoires qui questionnent la société contemporaine.

La sélection 2021

  • Le Roman de Jim, Pierric Bailly, P.O.L
  • L’Instruction, Antoine Brea, Le Quartanier
  • Le Passeur, Stéphanie Coste, Gallimard
  • Les Nuits d’été, Thomas Flahaut, L’Olivier
  • Le Démon de la colline aux loups, Dimitri Rouchon-Borie, Le Tripode
  • L’Ami, Tiffany Tavernier, Sabine Wespieser

L’an dernier c’est Laurent Petitmangin qui avait remporté le prix pour Ce qu’il faut de nuit (La Manufacture de livres, 2020), un premier roman poignant, histoire d’une rupture filiale qui mettait à l’épreuve les idéaux et les certitudes d’un père, roman social qui pointait sans misérabilisme une France marginalisée et répondait à la question : peut-on pardonner à son enfant lorsque celui-ci rompt avec les valeurs qu’on lui a transmises ?

Empêché de faire le déplacement l’an dernier pour les raisons que l’on sait, Laurent Petitmangin sera cette année à Marseille pour enfin parler de son livre et rencontrer le public. Il sera en compagnie de l’heureux lauréat ou de l’heureuse lauréate du Prix littéraire du Barreau de Marseille 2021, qui aura été désigné lors d’une cérémonie de remise du prix ouverte à tous.

 

 


En partenariat avec le Barreau de Marseille.

Prix
Le ou la lauréate reçoit la somme de 3 000 € grâce au soutien de la Société de courtage des Barreaux.

Brigitte Baudesson

Âges d’or, d’Istanbul au Caire

Avec Sedef Ecer et Iman Mersal
Rencontre animée par Élodie Karaki


Née en Égypte, vivant désormais au Canada, Iman Mersal était jusqu’ici reconnue comme l’une des figures du renouveau poétique égyptien (poèmes réunis dans Des choses m’ont échappé, magnifiquement traduits en français par Richard Jacquemond et publiés chez Actes Sud/Sindbad). La voici désormais romancière, couronnée par le prix littéraire Sheikh Zayed, le plus prestigieux du monde arabe pour la première fois décerné à une femme.
Iman Mersal est donc partie Sur les traces d’Enayat Zayyat, jeune écrivaine égyptienne qui s’est suicidée en 1963, à l’âge de 26 ans. Autrice d’un seul livre, qu’elle avait cherché en vain à publier et qui n’est paru qu’à titre posthume quatre ans après sa mort, son nom a été rayé de l’histoire de la littérature égyptienne des années 1960, période pourtant féconde qui vit s’affirmer les tenants du nouveau roman arabe dans le sillage du grand Naguib Mahfouz.
C’est par hasard qu’Iman Mersal a découvert dans les rayons d’un bouquiniste L’Amour et le silence, le livre d’Enayat Zayyat, qui l’a conduit à s’embarquer dans une entreprise singulière, bien plus qu’une enquête littéraire passionnante et une plongée dans l’archive, bien plus qu’un essai féministe ou qu’une tentative de réhabilitation biographique à l’aune des enjeux politiques et sociétaux de l’Égypte nassérienne. Rarement une quête documentaire n’aura été aussi bien transformée en un immense objet littéraire.

Avec Trésor national, Sedef Ecer fait le portrait d’une Turquie marquée par quatre coups d’État, à travers celui d’une actrice de cinéma, Esra Zaman, trésor d’un cinéma turc qui a connu son apogée dans les années 1960-70. Cette histoire nous est racontée par Hülya, la fille d’Esra, qui se fait désormais appeler Julya depuis qu’elle a coupé tout lien avec sa mère et quitté son pays natal pour s’installer à Paris. Le putsch raté de juillet 2016 l’oblige à se souvenir d’une enfance passée sur les plateaux, de la diva flamboyante qu’était sa mère, de la disparition non élucidée de son père, de cette Turquie laïque qui n’est plus. Malgré les tourments de l’histoire, sa mère n’a pas changé : elle continue à vivre dans l’illusion du cinéma, pour ses rôles et sa gloire. Elle prépare le dernier spectacle de sa vie, son enterrement somptueux au Théâtre de la ville d’Istanbul, et s’est mise en tête que sa fille en écrive le discours. Hülya hésite puis se décide : elle écrira l’histoire de cette mère qui l’a si peu été, cette femme à la fois soleil et démon.

Deux pays auscultés par des procédés littéraires différents – fiction et non-fiction –, deux âges d’or à la fois réels et fantasmés qu’Iman Mersal et Sedef Ecer mettent au jour avec un grand art du récit.


À lire

  • Sedef Ecer, Trésor national, JC Lattès, 2021.
  • Iman Mersal, Sur les traces d’Enyat Zayyat, traduit de l’arabe (Égypte) par Richard Jacquemond, Actes Sud, 2021.

À consulter


Iman Mersal est résidente en 2020-2021 à l’IMéRA où elle est titulaire de la Chaire Camus sur les modes de vie en Méditerranée.


 

En coproduction avec la Saison Africa 2020 / Institut français.

F. Mantovani

Oh les beaux lecteurs !

Rencontre avec Éric Reinhardt
Entretien animé par ses lecteurs dans le cadre du projet Oh les beaux lecteurs !

Tout au long de l’année, bravant les confinements, des lecteurs se sont réunis sous l’égide des bibliothèques de Marseille et du festival. Épaulés par la critique littéraire Élodie Karaki, ils ont lu et décortiqué le dernier roman d’Éric Reinhardt, Comédies françaises, examinant style, langue et narration. Et les voilà désormais prêts à interviewer l’écrivain pour nous faire découvrir cet ample roman qui, comme souvent chez Éric Reinhardt, possède l’art de déplier plusieurs histoires avec une incroyable maîtrise. Si Cendrillon, son roman paru en  2007, explorait les mécanismes du monde de l’économie, c’est à l’histoire d’Internet qu’il s’est intéressé cette fois, confirmant dans une passionnante enquête littéraire que le grand réseau mondial aurait pu voir le jour dans l’Hexagone et que la révolution numérique y fut sabordée par la puissance des lobbies industriels de la France de Valery Giscard d’Estaing. Mais Comédies françaises est aussi le récit d’un amour romantique éperdu ainsi qu’une plongée inattendue sur un tournant de l’histoire de l’art au XXe siècle.
Autant de récits qui cheminent parallèlement, traquant les instants décisifs et composant un vaste ensemble romanesque réjouissant.


À lire :

  • Éric Reinhardt, Comédies françaises, Gallimard, 2020.

En coproduction avec les bibliothèques de la Ville de Marseille.

Patrice Lenormand

Transcender le réel, du Soudan à Haïti

Avec Abdelaziz Baraka Sakin et Jean D’Amérique

Rencontre animée par Elodie Karaki et traduite de l’arabe par Lotfi Nia


Oh les beaux jours! a souhaité réunir Abdelaziz Baraka Sakin et Jean D’Amérique pour ce qu’il ont en commun : un imaginaire truculent peuplé de personnages marginaux et sublimes, le jubilatoire, une certaine idée du politique et cette faculté à enchanter les tragédies de notre siècle.

Abdelaziz Baraka Sakin, né en 1963 au Soudan, est un écrivain adulé dans le monde arabe. Exilé en France pour des raisons politiques et littéraires, ses textes exaltent la sensualité, le plaisir charnel, l’ivresse des alcools, l’amour des femmes. Les Jango, roman tourbillonnant, récompensé en 2009 par le prestigieux prix Tayeb Salih, a provoqué la censure des autorités soudanaises. Cette fresque polyphonique sur fond de révolte des Jango, des journaliers agricoles qui suivent les moissons, est sans aucun misérabilisme l’expression d’une opposition radicale à la doxa du régime soudanais, ample comédie humaine où ce sont les femmes qui mènent la danse.

Jean D’Amérique est écrivain, poète, dramaturge, slameur. Né en Haïti il y a presque trente ans, Soleil à coudre est son premier roman, histoire d’amour impossible entre deux jeunes filles recluses dans le cercle infernal des Caraïbes. Celui qui par son nom s’accapare à lui seul un continent dessine ici des visages attachants, aussi baroques que désespérés, miroirs d’une actualité haïtienne brûlante marquée par la violence des gangs. Non pour croquer le sensationnel mais bien pour s’affranchir d’une trame romanesque classique et déployer sa voix charnelle et puissante.

À si bien marier exigence littéraire et engagement, Jean D’Amérique et Abdelaziz Baraka Sakin s’essaieront dans les jardins de l’Iméra à cette gymnastique de haut vol : transcender le réel.


À lire :

  • Abdelaziz Baraka Sakin, Les Jango, traduit de l’arabe (Soudan) par Xavier Luffin, Zulma, 2020 (Prix de la littérature arabe 2020 ; Grand prix de traduction de la Ville d’Arles 2020).
  • Jean D’Amérique, Soleil à coudre, Actes Sud, 2021.

En coproduction avec la Saison Africa 2020 de l’Institut français.

DR

Mister Cerveau

Avec Jean-Yves Duhoo et Lionel Naccache
Rencontre animée par Tewfik Hakem

L’un est médecin neurologue, chercheur en neurosciences soucieux de partager son savoir auprès du plus large public. L’autre est illustrateur et dessinateur de BD ; esprit curieux, il réalise entres autres des reportages scientifiques pour le journal Spirou. Ils dialoguent ici pour mettre en lumière les merveilles et les mystères du cerveau humain.

Lionel Naccache est l’auteur d’une série d’émissions sur France Inter, qui a dévoilé à des millions d’auditeurs l’état des connaissances sur la mémoire, les émotions, la conscience, le langage… bref, l’ensemble de nos processus cognitifs. Auteur de très nombreux livres, notamment Parlez-vous cerveau ? et Le Cinéma intérieur, il explore, avec les outils des neurosciences les plus en pointe, la manière dont notre esprit produit notre perception du monde. Il montre comment le sujet élabore le sens que les choses ont pour lui, au croisement de la biologie et de l’expérience subjective.

Dans Mister Cerveau, qu’a préfacé Lionel Naccache, Jean-Yves Duhoo mène l’enquête pour nous expliquer de manière imagée et drôle le fonctionnement de notre système nerveux central. Savez-vous que si l’on mettait tous nos neurones bout à bout, on obtiendrait la distance de la Terre à la Lune, que le cerveau d’Albert Einstein était plus petit que la moyenne ou que c’est lorsque vous rêvassez que votre cerveau travaille le plus ?

En route pour un voyage au centre de la tête, une rencontre qui s’adresse tout aussi bien aux amateurs de BD qu’aux esprits scientifiques et à tous les fans de méninges désireux d’apprendre avec le sourire !


À lire :

  • Jean-Yves Duhoo, Mister Cerveau, Casterman, 2021.
  • Lionel Naccache, Parlez-vous cerveau ?, avec Karine Naccache, Odile Jacob, 2018.
  • Lionel Naccache, Le Cinéma intérieur. Projection privée au cœur de la conscience, Odile Jacob, 2020.

En coréalisation avec la Ville de Marseille — Musées de Marseille.

Pascal Ito Flammarion

La part du rêve

Avec Charly Delwart et Bernard Lahire
Rencontre animée par Yann Nicol

Depuis sa création, le festival Oh les beaux jours ! aime croiser les paroles d’auteurs et de chercheurs en mêlant littérature et sciences humaines. Qu’ont en commun l’écrivain Charly Delwart et le sociologue Bernard Lahire ? Le rêve ! Si la psychanalyse en a fait une composante majeure de ses champs d’études, la sociologie en revanche l’avait jusqu’ici largement ignoré. Bernard Lahire, lui, a pénétré la logique même de la fabrication des rêves et les relie aux expériences que les individus ont vécues dans le monde social. En tenant compte des nombreuses avancées scientifiques qui ont eu lieu depuis Freud et son Interprétation du rêve, il livre sa pensée dans deux ouvrages passionnants, qui se lisent presque comme des romans. C’est justement un rêve récurrent qui va bouleverser la vie du héros du dernier roman de Charly Delwart : Thomas, producteur de cinéma, se met à rêver de plus en plus souvent qu’il est nain et voilà que, loin d’être un handicap, cela le rend meilleur dans sa vie affective et professionnelle. Comme s’il lui suffisait de devenir plus petit pour que son horizon s’agrandisse. Faut-il suivre les rêves qu’on fait ? Une rencontre au cœur de nos rêves pour comprendre ce qui nous travaille obscurément et élaborer une stimulante théorie de l’expression onirique !


À lire

  • Bernard Lahire, La Part rêvée. L’interprétation sociologique des rêves vol. 2, La Découverte, 2021.
  • Charly Delwart, Le Grand Lézard, Flammarion, 2021.

En coréalisation avec le Mucem.

Nicolas Serve

Monstres

Avec Tiffany Tavernier et David Vann
Rencontre animée par Guénaël Boutouillet et traduite de l’anglais par Marguerite Capelle

Mon voisin le tueur. Tel aurait pu être le titre du dernier roman de Tiffany Tavernier. Elle a préféré L’Ami. L’ami, c’est donc Guy, arrêté un samedi matin par des policiers casqués, armes au poing, sous les yeux stupéfaits de Thierry, personnage casanier et solitaire qui avait fait de son voisin bricoleur son unique copain. Guy est accusé d’être le tueur en séries de fillettes assassinées dans la région. Sentiment de trahison, déni, culpabilité, colère, chagrin… Comment Thierry n’a-t-il pas vu que son ami était l’incarnation du mal ? Mais ce qui intéresse Tiffany Tavernier va bien au-delà de la description d’un effroyable fait divers qui va entraîner la dissolution d’un couple. Des interrogations de Thierry sur la monstruosité de Guy jaillissent des questionnements intimes et désordonnés qui vont l’obliger à considérer tout ce qu’il avait jusqu’ici refoulé…

Des monstres, il y en a aussi sur l’île indonésienne de Komodo où Tracy, une mère de famille californienne au bord du burn-out, délaissée par son mari et épuisée par ses jumeaux, vient rejoindre son frère et sa mère pour un séjour de plongée qui s’annonce enchanteur et réparateur. L’écrivain américain David Vann (Sukkwan Island) est un maître du thriller psychologique et sa plongée dans les eaux troubles de la famille est une fois encore aussi féroce et drôle qu’abyssale et glaçante. Jamais le monde sous-marin n’a été aussi bien mis en abyme, décor d’un duel fratricide qui confronte nature humaine et créatures marines, sonde en virtuose la palette du sentiment haineux et met au jour l’indicible.

Deux grands romans d’introspection de l’âme humaine pour aller au-delà des apparences et dompter les monstres qui sommeillent en nous…


À lire

  • Tiffany Tavernier, L’Ami, Sabine Wespieser, 2021.
  • David Vann, Komodo, Gallmeister, 2021.
Nicolas Serve

À la folie

Avec Lisa Mandel et Joy Sorman
Rencontre animée par Yann Nicol

Comment rendre compte de la réalité de la psychiatrie en France aujourd’hui ? C’est à ce problème de santé publique, largement minimisé, que se sont attaquées – avec le dessin pour l’une, l’écriture pour l’autre – l’autrice BD Lisa Mandel et l’écrivaine Joy Sorman. Si Lisa Mandel est connue pour sa récente web-série et BD Une année exemplaire ou pour La Famille Malfa, une série de strips parus dans Le Monde qui posent un regard drôle et grinçant sur la notion de famille, elle s’intéresse depuis plus d’une dizaine d’années au monde de la psychiatrie. Avec HP1. L’asile d’aliénés (2009) et HP2. Crazy Seventies (2013), et sans compter un prochain volume autoédité qui clôturera cette trilogie, Lisa Mandel a puisé dans les souvenirs et les témoignages de sa mère et son beau-père, infirmiers dans un hôpital psychiatrique de Marseille, ainsi que de leurs collègues, pour dresser une grande fresque sur les maladies mentales qui s’étend de 1978 à 1982.

Joy Sorman, qui n’aime rien tant que s’immerger dans des mondes différents avant d’écrire (une gare pour Paris gare du Nord, des abattoirs pour Comme une bête, un fabricant de lits pour Lit national…) a partagé le quotidien des soignants et des patients d’une unité de soin psychiatrique tous les mercredis pendant un an avec l’autorisation de circuler librement dans le pavillon 4B qui comprend douze lits et une chambre d’isolement. Dans À la folie, elle nous plonge dans l’ambiance des hôpitaux psychiatriques, décrit les patients qu’elle croise et avec qui elle échange, détaille les traitements chimiques, le tout avec une écriture d’une précision chirurgicale et un sens de l’observation hors-norme, mêlant sensible et intelligible.

D’un même élan, des liens se tissent entre les dessins de l’une et la narration de l’autre, dressant l’inventaire d’un système hospitalier épuisé qui se déshumanise tout en posant la question fondamentale : qu’est-ce que la folie ? Rencontre avec deux autrices engagées qui n’ont pas peur de sonder les parts sombres de notre société.

Pour l’édition 2019 du festival, Joy Sorman était venue présenter les prémisses de À la folie dans une lecture musicale intitulée Fou comme un lapin, accompagnée par Rubin Steiner.


À lire

  • Joy Sorman, À la folie, Flammarion, 2021.
  • Lisa Mandel, HP. 1 – L’asile d’aliénés ; HP. 2 – Crazy Seventies, L’Association, 2009 et 2014.