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À qui appartiennent les histoires ?

Marielle Hubert et Virginie Linhart

Rencontre animée par Salomé Kiner

Philip Roth était formel : « Quand un écrivain naît dans une famille, c’en est fini de cette famille. » Car l’écriture de soi se nourrit aussi des autres. Alors, à qui appartiennent les histoires ? À l’écrivain ou à son entourage ? Virginie Linhart et Marielle Hubert ont fait de leur mère le personnage central de leur dernier livre, non sans mal.

Marielle Hubert a écrit Il ne faut rien dire « pour faire mourir sa mère », Sylvette, qui survit depuis des années à un cancer métastasé qui aurait dû l’emporter en quelques mois. Sa résilience trouve son origine dans un traumatisme d’enfance qui lui a imposé de survivre à toute force. Elle traite son passé et sa mort annoncée avec le même déni, les éloignant l’un et l’autre. Pour l’aider à partir, Marielle Hubert libère la parole de celle qui lui a donné la vie en racontant à sa place ses blessures, en fabriquant des personnages à partir de l’histoire de sa mère.

Virginie Linhart est la fille de Robert Linhart, fondateur du mouvement maoïste en France, et de la biophysicienne Nicole Colas-Linhart. L’écrivaine, par ailleurs documentariste, a raconté en 2020 les errements de son éducation soixante-huitarde et leurs conséquences sur sa propre maternité dans son roman précédent, L’Effet maternel. Cités dans le livre, sa mère et son ex-compagnon lui ont alors intenté un procès pour atteinte à la vie privée en demandant la suppression de 68 pages du manuscrit. Dans Une sale affaire, Virginie Linhart fait avec lucidité la chronique du procès qu’elle a gagné et analyse les effets que produit l’autobiographie sur l’entourage des écrivains.

Un écrivain peut-il tout dire, tout raconter ?
Deux récits qui posent des questions importantes sur l’intimité, l’usage – et ses limites – du matériau autobiographique en littérature, par deux écrivaines qui n’ont pas peur de plonger dans les dits et les non-dits familiaux.


À lire

  • Marielle Hubert, Il ne faut rien dire, P.O.L, 2024.
  • Virginie Linhart, Une sale affaire, Flammarion, 2024 ; L’Effet maternel, Flammarion, 2020.

Comédies noires

Alexandre Labruffe et Denis Michelis

Rencontre animée par Pierre Benetti

Avec Cold Case, le quatrième roman d’Alexandre Labruffe, nous voilà embarqués dans une hybridation jouissive de genres, entre «polar punk», autofiction et recueil de haïkus. Lorsque sa compagne, Minkyung, lui apprend que son oncle est mort congelé à Toronto dans les années 1970 en s’échappant d’un hôpital psychiatrique et que son père, hanté par la tragédie, a été interné à son tour, Alexandre Labruffe décide d’enquêter entre Séoul, la Mandchourie et le Canada. Il interroge la mémoire familiale de sa compagne, ses défaillances et ses créations, et son imbrication dans la mémoire collective de la Corée du Sud, tout aussi troublée, tiraillée entre surnaturel et ultra-rationalité, chamanisme et néo-libéralisme.

Faux polar familial, vraie comédie noire façon Cluedo, le cinquième roman de Denis Michelis, Amour fou, brouille lui aussi les pistes avec jubilation. Barnabé, jeune jardinier érotomane qui vit dans l’illusion délirante d’être aimé, échappe de peu à la prison suite au meurtre de la jeune femme qu’il harcelait. Après un séjour en institution, il retourne vivre chez ses parents dysfonctionnels, qui ne rêvent que de l’enfermer. Le meurtre d’une seconde femme resserre l’étau autour de Barnabé, mais l’enquête policière révèle une kyrielle de suspects dont la folie n’a rien à envier à celle du jeune jardinier. Denis Michelis signe un roman kafkaïen au charme désuet des séries policières à l’anglaise.

Rencontre avec deux auteurs de polars pas comme les autres, où s’entremêlent folie et liens familiaux.


À lire

  • Alexandre Labruffe, Cold Case, Éditions Verticales, 2024.
  • Denis Michelis, Amour fou, coll. «Notabilia», Les éditions Noir sur blanc, 2024.

Saveurs et odeurs

Élise Goldberg et Ryōko Sekiguchi
Rencontre animée par Élodie Karaki

Dans Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie, Élise Goldberg enquête sur son histoire familiale à travers le souvenir de la cuisine yiddish. En ouvrant le réfrigérateur dont elle a hérité de son grand-père, une odeur persistante de chou rappelle à sa mémoire le fiss, le pied de veau en gelée, le grumeleux gehakte leybèr, le foie haché, mais surtout le gefilte fish, la carpe farcie, disparu des tables à cause de sa préparation compliquée. Élise Goldberg en fait le symbole d’un monde ashkénaze perdu et d’une histoire familiale oubliée, marquée par l’exil et la Shoah, dont elle recompose les fragments à travers un récit plein d’humour, de tendresse et d’autodérision.

Après avoir évoqué l’ouïe dans La Voix sombre et le goût dans 961 heures à Beyrouth (et 321 plats
qui les accompagnent), Ryōko Sekiguchi poursuit son travail sur les cinq sens en s’intéressant cette fois à l’odorat dans L’Appel des odeurs. La narratrice y tient un carnet d’odeurs dans lequel elle consigne citations littéraires, réflexions et impressions olfactives, entremêlées de récits où les personnages sont mus par leur odorat, d’une maison de Spolète à une librairie d’Helsinki, d’une imprimerie de Téhéran au XIXe siècle à un opéra de Ferrare au XVIIIe. Plus qu’un recueil de contes oniriques, Ryōko Sekiguchi signe une autobiographie de l’odeur, véritable héroïne de ce roman mosaïque.

Élise Goldberg et Ryōko Sekiguchi convoquent les sens avec brio pour reconstituer des mémoires fragmentées.


À lire

  • Élise Goldberg, Tout le monde n’a pas la chance d’aimer la carpe farcie, Verdier, 2023 (prix du Premier roman Les Inrockuptibles, 2023).
  • Ryōko Sekiguchi, L’Appel des odeurs, P.O.L, 2024.

Oh les beaux lecteurs ! Rencontre avec Mathieu Belezi

Mathieu Belezi
Rencontre animée par les lecteurs des bibliothèques de Marseille

Sous l’égide des bibliothèques de Marseille, un groupe de lecteurs et de lectrices a échangé durant plusieurs mois autour du dernier roman de Mathieu Belezi, Moi, le Glorieux.  La critique littéraire Élodie Karaki les a accompagnés, leur livrant toutes les ficelles de son métier et les voilà désormais prêts à animer une rencontre avec l’écrivaine.

Avec passion, ils vont nous faire découvrir ce roman qui nous plonge dans l’histoire récente de l’Algérie, alors que la guerre de libération du pays fait rage et que les colons français quittent le pays par bateaux entiers. À l’exception de l’un des plus riches d’entre eux, Albert Vandel, un personnage terrifiant qui, terré dans sa forteresse, décide avec rage de résister, entouré de ses derniers fidèles.

Roman de la démesure coloniale et de la folie occidentale, à la fois farce et tragédie, Moi, le Glorieux se présente comme l’un des plus grands textes de Mathieu Belezi, révélé par ­Attaquer la terre et le soleil (Le Tripode, Prix littéraire Le Monde 2022 et Prix du Livre Inter 2023).

Une rencontre en profondeur avec un écrivain passionnant, qu’on retrouvera samedi 25 mai à 16h au Mucem, en compagnie de l’artiste et dessinateur Kamel Khélif, qui a illustré un autre de ses textes, Le Temps des crocodiles.


En partenariat avec les bibliothèques de la Ville de Marseille.


À lire

  • Mathieu Belezi, Moi, le Glorieux, Le Tripode, 2024.

Rwanda, l’image manquante

Hélène Dumas et Beata Umubyeyi Mairesse
Rencontre animée par Chloë Cambreling

Alors que nous commémorons cette année les 30 ans du génocide des Tutsis au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse livre un grand récit, Le Convoi, mêlant essai littéraire et écriture de soi.

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide, Beata Umubyeyi Mairesse, alors âgée de 15 ans, est évacuée avec sa mère au Burundi dans un convoi humanitaire de l’ONG suisse Terre des hommes. Des proches lui disent alors l’avoir vue traversant la frontière dans un reportage de la BBC. En 2007, elle se lance à la recherche de ces images qui immortalisent le moment précis où elle est devenue une rescapée, une survivante, identité qui ne la quittera plus. Beata Umubyeyi Mairesse enquête sur les traces de l’adolescente qu’elle était, des humanitaires et des journalistes qui l’accompagnaient et sur les enfants qui ont traversé avec elle cette frontière du Burundi, confrontant la mémoire collective des rescapés à la couverture médiatique du génocide.

Beata Umubyeyi Mairesse a souhaité dialoguer avec l’universitaire Hélène Dumas, spécialiste du génocide des Tutsis au Rwanda. En 2014, Hélène Dumas publie Le génocide au village. Le massacre des Tutsi au Rwanda, où elle reconstitue les mécanismes du génocide à l’échelle d’un village en soulignant la grande proximité des bourreaux et des victimes. En 2020, l’historienne présente des témoignages d’enfants rescapés du génocide dans Sans ciel ni terre. Paroles orphelines du génocide des Tutsi (1994-2006).

Une rencontre entre une écrivaine et une historienne, pour mieux comprendre l’Histoire et ce que peut la littérature.


En coréalisation avec le Mucem.


À lire

  • Beata Umubyeyi Mairesse, Le Convoi, Flammarion, 2024.
  • Hélène Dumas, Sans ciel, ni terre : paroles orphelines du génocide des Tutsi, La Découverte (2020).

Marion Brunet et Emilienne Malfatto I Prix littéraire du Barreau de Marseille

Marion Brunet et Emilienne Malfatto

Rencontre animée par Choë Cambreling

Depuis 2020, le Barreau de Marseille et le festival Oh les beaux jours ! sont unis autour de la création d’un prix littéraire récompensant un auteur ou une autrice dont le livre (fiction ou non-fiction) traite d’un sujet en lien avec les préoccupations professionnelles ou éthiques des avocats : sujet de société, famille, travail, histoire…

Pierric Bailly (La Foudre, P.O.L), Marion Brunet (Nos armes, Albin Michel), Sorj Chalandon (L’Enragé, Grasset), Virginie Linhart (Une sale affaire, Flammarion), Beata Umubyeyi Mairesse (Le Convoi, Flammarion) et Valérie Zenatti (Qui-vive, L’Olivier) étaient les auteurs et autrices des six livres en compétition cette année.

Le jury du Prix littéraire du Barreau de Marseille, composé de huit avocats et présidé cette année par Emilienne Malfatto (lauréate du prix l’an dernier), a choisi Marion Brunet pour Nos armes. Un choix qu’il résume en ces mots : « Nos armes est un livre juste, qui touche à la fois à l’intime et au politique, et questionne l’engagement. En évitant tout effet descriptif ou manichéen, à travers un récit toujours subtil, ce roman nous fait vivre en quelque 400 pages et avec empathie une peine carcérale de 25 ans. C’est aussi une histoire d’amour entre deux femmes, dont l’évolution et les méandres narratifs échappent à ce qui est attendu. »

Après avoir reçu son prix, Marion Brunet dialoguera avec Emilienne Malfatto, qui vient de faire paraître L’absence est une femme aux cheveux noirs (Éditions du sous-sol), avec Rafael Roa, un livre qui mêle texte et photographies et questionne les dizaines de milliers de disparus en Argentine lors de dernière dictature (1976-1983), alors même que la démocratie est à nouveau menacée dans ce pays.


Marion Brunet reçoit la somme de 5000€ grâce au soutien de la Société de Courtage des Barreaux et de l’Ordre des avocats du Barreau de Marseille.


À lire

  • Marion Brunet, Nos armes, Albin Michel, 2024.
  • Emilienne Malfatto, L’absence est une femme aux cheveux noirs, Éditions du sous-sol, 2024.
  • Emilienne Malfatto, Le colonel ne dort pas, Éditions du sous-sol, 2022 (prix du Barreau de Marseille 2023).

À écouter

Les six romans sélectionnés pour le Prix littéraire du Barreau de Marseille 2024

  • La Foudre, Pierric Bailly, P.O.L, 2023.
  • Nos armes, Marion Brunet, Albin Michel, 2024 (prix du Barreau de Marseille 2024).
  • L’Enragé, Sorj Chalandon, Grasset, 2023.
  • Une sale affaire, Virginie Linhart, Flammarion, 2024.
  • Le Convoi, Beata Umubyeyi Mairesse, Flammarion, 2024.
  • Qui-vive, Valérie Zenatti, L’Olivier, 2024

Retrouvez

À nos désirs

Oh les beaux jours ! s’associe à la revue féministe La Déferlante pour faire entendre la voix d’autrices et d’artistes qui s’expriment sur le désir féminin.
Une soirée en deux temps, pour débattre, s’informer, lire et danser !

L’une est journaliste, autrice de l’essai À nos désirs, l’autre est humoriste et triomphe sur scène cette année avec son stand up, Tahnee… l’autre.
Élodie Font et Tahnee ont en commun d’être lesbiennes et d’œuvrer à renverser les stéréotypes sur les sexualités et les désirs LGBT+. Comment se construire quand les narrations font défaut ? Pourquoi écrire sur la sexualité des lesbiennes et les trajectoires queers ? Quelles sont les joies et les limites au récit de soi ? Le rire est-il une arme de déconstruction massive ?
Une discussion qui sera émaillée de lectures et d’extraits de leurs œuvres.

Aloïse Sauvage est chanteuse, comédienne, artiste de cirque, autrice de hits féministes comme Crop Top. Fatima Daas a connu le succès avec un premier roman d’apprentissage, La Petite Dernière, où elle racontait à la première personne comment on peut être à la fois musulmane et lesbienne. Réunies pour la première fois par La Déferlante à l’automne dernier, elles ont discuté de l’exposition médiatique qui abîme, de l’amour des femmes, de l’art qui peut sembler dérisoire dans le monde actuel, mais aussi de colère et de la force immense que leur donnent le hip-hop et le break dance. «Je fais de la pop avec une influence rap», explique Aloïse Sauvage, tandis que Fatima Daas soutient «le rap m’a sauvé la vie».

Dans le cadre de cette carte blanche, elles ont eu envie de poursuivre cette discussion sur scène, en confrontant leurs personnalités, en mêlant textes et chansons. Elles seront accompagnées au piano par Mathieu Epaillard, compagnon de route d’Aloïse Sauvage.
Avec en creux, pour cette forme inédite, une interrogation constante : que donner de soi quand on crée ?


À lire

  • Élodie Font, À nos désirs, La Déferlante, 2024.
  • Fatima Daas, La Petite Dernière, coll. «Notabilia», Les Éditions Noir sur blanc, 2020 (prix du Premier roman Les Inrockuptibles 2020).

À écouter

  • Aloïse Sauvage, Club des étranges, Capitol Music France, 2023.


Le billet d’entrée donne accès à la rencontre et à la lecture musicale.
Nous sommes complets sur cette soirée ! Mais vous pouvez tenter votre chance en vous rendant à la billetterie du Conservatoire Pierre Barbizet une heure avant l’ouverture.