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Le Pays d’en haut

Avec Marie-Hélène Lafon.
Entretien animé par Élodie Karaki.

Originaire du Cantal, Marie-Hélène Lafon a gardé un lien fort avec le monde sauvage, l’âpreté et le silence des grands paysages verticaux. Élevée dans une famille de paysans, elle tient dans ses romans la chronique discrète d’un monde voué à disparaître. Elle s’emploie pourtant à mettre au jour cette fatalité à travers des personnages inoubliables, dans une langue intense et travaillée, frappée par une ponctuation qu’elle maîtrise comme nulle autre, poésie chantante à la scansion hypnotique…

Le Pays d’en haut, titre de son dernier livre dans lequel elle s’entretient avec Fabrice Lardreau, c’est donc le sien, celui qui a façonné son œuvre – seize livres, romans, nouvelles, essais, depuis Le Soir du chien en 2001–, un pays où coule la Santoire, la rivière en contrebas de la ferme familiale à 1000 mètres d’altitude, qui a chargé son inspiration de la violence des éléments et du calme des contrées isolées. « Il s’agit pour moi, dans l’acte d’écrire, de prendre les empreintes de ce pays, d’en dresser une sorte d’état des lieux. »

Lectrice hors pair, de ses propres textes comme de ceux qui l’accompagnent dans son parcours d’écrivain (Flaubert, Jaccottet, Giono, Vialatte, Gracq…), elle tissera lecture et conversation en débutant cet entretien par le commentaire d’un objet qu’elle a choisi dans les réserves du Mucem, et qui n’est pas sans lien, bien sûr, avec la géographie, cette « écriture de la terre » qui nourrit si bien sa littérature…


À lire

  • Marie-Hélène Lafon, Le Pays d’en haut, Entretiens avec Fabrice Lardreau, Arthaud, 2019
  • Nos vies, Buchet-Chastel, 2017.

En coréalisation avec le Mucem.

Les beaux jours de Maryse Condé

Maryse Condé avec ses invités, Richard Philcox et Françoise Semiramoth.
Entretien animé par Valérie Marin La Meslée (Le Point).
Lecture par Eva Doumbia.

Originaire de Guadeloupe, Maryse Condé est l’auteure d’une œuvre considérable, traduite en plusieurs langues, étudiée dans le monde entier. On ne compte plus les récompenses qu’elle s’est vu décerner internationalement, jusqu’à celle, récente, qui couronne presque 50 ans d’écriture : le prix de la Nouvelle Académie de littérature (qui a remplacé en 2018 le Nobel de littérature). Le jury de ce Prix a salué dans son œuvre « les ravages du colonialisme et le chaos post-colonial dans une langue à la fois précise et bouleversante. »

Journaliste, dramaturge, auteure pour la jeunesse, essayiste et romancière, elle a également été professeure émérite à l’université de Columbia, aux États-Unis, où elle a fondé le Centre d’études françaises et francophones.

L’œuvre de Maryse Condé embrasse trois continents, l’Amérique, l’Afrique et l’Europe, liés à son parcours et à ses engagements. Née en 1937 à Pointe-à-Pitre, d’un père banquier et d’une mère institutrice, la future romancière confesse avoir grandi dans un milieu protégé, loin des questions qui parcourent sa littérature, et n’avoir pris conscience de la couleur de sa peau qu’en arrivant en France, à l’âge de 16 ans. Sa lecture d’Aimé Césaire la conduit à remonter le fil de l’histoire de l’esclavage et cette quête identitaire la mène en Afrique de l’Ouest. De cette expérience, elle tirera Ségou, roman historique en deux volumes qui la fait entrer dans le paysage littéraire. Vont suivre de nombreux romans où elle met souvent en scène des femmes maltraitées par l’histoire, qui tentent de conquérir leur liberté (Moi, Tituba sorcière noire de Salem ; Victoire, les saveurs et les mots, où elle rend hommage à sa grand-mère ; Desirada…). Elle aborde aussi la question des classes sociales à travers la saga d’une grande famille caribéenne (La Vie scélérate, Prix de l’Académie française en 1988), se raconte elle-même dans une très belle autobiographie (La Vie sans fards), met fin à ce qu’elle nomme « le mythe de la négritude » dans Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et Ivana, son dernier roman inspiré de l’attentat terroriste d’Amedy Coulibaly en 2015.

Au Mucem, nous retracerons avec elle son parcours. Elle partagera la scène avec des complices artistiques qui feront entendre ses textes ; évoquera ses engagements et un projet avec de jeunes Marseillaises de La Busserine autour de son roman pour la jeunesse Chiens fous dans la brousse ; reviendra sur la question de la représentation des noirs, notamment dans les musées… Mais on ne vous dit pas tout, seulement que la présence de la grande Maryse Condé est exceptionnelle !


À lire

  • La Vie sans fards, JC Lattès, 2012
  • Le Fabuleux et Triste Destin d’Ivan et Ivana, JC Lattès, 2017.

En coréalisation avec le Mucem.

Marcher jusqu’au soir

Avec Lydie Salvayre.
Entretien animé par Élodie Karaki.

Sur proposition de son éditeur, Lydie Salvayre (Prix Goncourt en 2014 pour Pas pleurer) a accepté (à contrecœur !) de se laisser enfermer toute une nuit dans le musée Picasso, à Paris, à l’occasion d’une exposition consacrée à Giacometti. Pourtant, face à L’homme qui marche, elle se retrouve bien vite dans l’incapacité d’écrire… Cette œuvre, qu’elle admire tant, ne lui inspire rien.

Ce vide d’inspiration va l’amener à se tourner vers son enfance, explorant la figure de son père – redouté et redoutable –, et essayant de comprendre comment s’est constitué son rapport à la culture. L’humeur railleuse et le verbe corrosif, elle en profite aussi pour questionner le milieu artistique et ses institutions, non sans faire l’éloge de Giacometti, de sa radicalité et de ses échecs revendiqués.

C’est dans un autre musée qu’elle vient aujourd’hui nous raconter cette étrange expérience…


À lire :

  • Lydie Salvayre, Marcher jusqu’au soir, coll. « Ma nuit au musée », Stock, 2019.

En coréalisation avec le Mucem.

Manifesto

Avec Léonor de Récondo.
Entretien animé par Guénaël Boutouillet.



Rencontre avec la violoniste et écrivaine Léonor de Récondo pour un dialogue intime autour de son œuvre littéraire et musicale, mais aussi autour de son père, le peintre et sculpteur Félix de Récondo, auquel elle rend un hommage poignant dans son dernier livre, Manifesto.

Renouant avec la veine autobiographique de son premier roman Rêves oubliés (2012), elle y fait le récit de la longue veillée précédant sa mort, entre évocations de sa jeunesse (la guerre d’Espagne, l’exil), de son rapport à l’art, et conversations rêvées (avec Hemingway). Dans ces moments de recueillement, la présence solaire de sa mère lui permet de convoquer le couple qu’ils formaient et leur puissant amour familial.

Un somptueux éloge de l’amour, de la joie partagée, et de la force créatrice comme ultime refuge à la violence du monde.


À lire :  

  • Léonor de Récondo, Manifesto, Sabine Wespieser, 2019.

    En coproduction avec l’Alcazar.

Des animaux et des hommes

Avec Vincent Message et Baptiste Morizot.
Entretien animé par Sophie Joubert.

Baptiste Morizot, philosophe, est l’auteur d’un livre passionnant, La Piste animale, où il vivifie sa pensée par des pratiques de terrain. À travers des récits de pistages des grands prédateurs, de l’ours de Yellowstone au loup du Var, de la panthère des neiges du Kirghizistan aux lombrics de nos composts d’appartement, il repense la cohabitation entre l’homme et l’animal. Il nous apprend à « voir l’invisible » et nous convie à adopter « d’autres dispositions à l’égard du vivant ». Pister devient alors un art de penser, où l’intuition et l’imagination côtoient le raisonnement, une tentative de renouvellement d’attention aux vivants.

La cause animale est aussi au cœur des préoccupations de l’écrivain Vincent Message, notamment dans son roman Défaite des maîtres et possesseurs, dont le titre – inspiré des mots de Descartes – nous renvoie de manière glaçante à nos échecs. Des êtres d’une race supérieure ont conquis la planète et les hommes, sous leur emprise, sont traits comme on trait les animaux ; on distingue désormais humains de compagnie et humains de boucherie… La réalité des abattoirs et les dérives de l’élevage industriel ont inspiré à Vincent Message ce récit, fable brillante sur la domination mais aussi réflexion sur les espèces et sur notre comportement envers les animaux.

À l’heure où l’on assiste à des débats passionnés sur la transition écologique et l’effondrement de la biodiversité, le véganisme, le spécisme et les droits des animaux, une rencontre avec deux auteurs dont la pensée originale nous exhorte à modifier notre regard et à changer nos pratiques.


À lire :

Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs, Seuil, 2017.
Baptiste Morizot, La Piste animale, coll. “Mondes sauvages”, Actes Sud, 2018.

Grands carnivores

Avec Bertrand Belin.
Entretien animé par Yann Nicol.

Auteur-compositeur, guitariste et chanteur, Bertrand Belin est aussi écrivain, auteur de Requin (2015) et Littoral (2016), parus chez P.O.L, dans lesquels on retrouve la poésie concise, les ellipses et l’univers mystérieux de ses chansons. Son nouveau roman, Grands carnivores confirme que la mélodie de ses mots n’est pas sans résonance avec sa musique.
Dans cette fable à l’ironie corrosive, il raconte la rivalité violente entre deux frères – l’un chef d’entreprise cynique et l’autre, artiste rêveur et idéaliste –, alors que des fauves échappés d’un cirque sèment la panique dans la population… Qui a peur d’être dévoré ? Et par qui ?

Un entretien tout en douceur et en profondeur, une autre occasion d’entendre sur scène la belle voix grave du dandy punk de la chanson française, aussi subtilement radical et avisé dans ses romans que dans ses albums.


À lire

  • Bertrand Belin, Grands carnivores, P.O.L, 2019.

À écouter

  • Bertrand Belin, « Persona », Wagram, 2019.

En coréalisation avec le Mucem.

Marseille, port d’attaches

Avec Claudine Galea et Cloé Korman.
Rencontre animée par Guénaël Boutouillet.

Dans Midi, Cloé Korman nous entraîne dans une tragédie que ses personnages vont vivre de manière rétrospective. Que s’est-il vraiment passé à Marseille, il y a vingt ans, lors de ce stage de théâtre pour enfants ? Que cachait cette petite fille à la silhouette fragile ? Claire, la narratrice, devenue médecin à Paris, va devoir affronter ce dont, alors à peine sortie sortie de l’adolescence, elle n’avait pas voulu prendre conscience, éblouie par l’insouciance de l’été…

Dans Les Choses comme elles sont, Claudine Galea retrace l’émancipation d’une enfant curieuse de tout, devenue adolescente rebelle, puis jeune femme sur le seuil de tous les possibles. On plonge avec elle dans une existence familiale d’une grande âpreté ; on respire aussi l’épaisseur langagière des époques traversées, à Marseille, et les relents amers de l’histoire, d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Rencontre avec deux auteures qui situent toutes deux l’action de leur dernier roman dans la cité phocéenne, port d’attaches certes, mais aussi lieu de sombres tempêtes.


À lire :

  • Claudine Galea, Les Choses comme elles sont, Verticales, 2019.
  • Cloé Korman, Midi, Seuil, 2018.

En coproduction avec l’Alcazar.

La mémoire des vivants

Avec Cécile Hennion et Hyam Yared.
Rencontre animée par Élodie Karaki.

Reporter au journal Le Monde, spécialiste du Moyen-Orient où elle a couvert de nombreux conflits, Cécile Hennion est l’auteure d’un livre bouleversant, Le Fil de nos vies brisées. Elle y fait le portrait de la ville syrienne d’Alep, telle qu’elle fut et ne sera jamais plus, à travers le récit de ses habitants contraints à l’exil par la violence et la guerre. Une ville réduit à l’inexistence, sauf à la faire revivre à travers la mémoire des vivants. C’est ce qu’elle s’emploie à faire, à la manière d’un Jean Hatzfeld quand il racontait le drame rwandais, dans une langue qui en fait aussi un objet littéraire à part entière. Une plongée dans l’indicible que ce livre parvient pourtant à transformer en un élan vital d’une grande force.

Née à Beyrouth, où elle vit toujours, Hyam Yared est ces temps-ci en résidence à Marseille – elle est la première titulaire de la chaire Camus, à l’IMéRA – où elle travaille sur le thème de l’hospitalité. Auteure de plusieurs recueils de poésie et de quatre romans, elle ausculte dans une langue puissante l’histoire du Liban, ses guerres successives et ses luttes politiques, mais aussi le poids hypocrite des traditions, la condition de la femme dans les sociétés orientales, la violence des discriminations…

Fiction, récit, poème, recueil de paroles… Quelles écritures pour dire le monde ? Rencontre avec deux auteures aussi engagées que passionnées, qui se sont rencontrées à Beyrouth et se retrouvent à Marseille.


À lire :

  • Cécile Hennion, Le Fil de nos brisées, Anne Carrière, 2019.
  • Hyam Yared, Tout est halluciné, Fayard, 2016.

En partenariat avec l’IMéRA.

 

Par-delà nature et culture

Avec Philippe Descola et Alessandro Pignocchi.
Rencontre animée par Sophie Joubert.

D’après Philippe Descola – anthropologue et professeur au Collège de France –, Bruno Latour et de nombreux autres penseurs contemporains, il est temps de se défaire de notre concept de « Nature » et d’apprendre à penser par-delà la distinction que l’Occident moderne trace entre la nature et la culture. Selon Alessandro Pignocchi, chercheur mais aussi auteur de bande dessinée, en France c’est dans les ZAD, et notamment celle de Notre-Dame-des-Landes, que cette révolution cosmologique trouve son expression la plus concrète et la plus massive. Il faut sortir de la nature à vocation utilitaire à laquelle elle se trouve cantonnée : la nature n’est pas utile, elle est source de liens.

À partir d’images tirées des albums d’Alessandro Pignocchi, les deux auteurs croiseront leurs points de vue sur l’anthropologie, l’écologie des relations et la façon dont les sciences et la bande dessinée peuvent traduire ensemble les usages du monde. Ils nous donneront sans doute également des Nouvelles des Indiens Jivaros, titre d’un album de Pignocchi où il raconte ses découvertes et ses déconvenues dans la jungle amazonienne chez les Jivaros Achuar, sur les traces d’un certain… Philippe Descola, qui vécut parmi eux de 1976 à 1979.

Une rencontre qui promet d’être passionnante entre l’un des plus éminents anthropologues de notre époque, lu et étudié dans le monde entier, et un auteur de BD qui sait mêler avec brio sciences humaines et humour incisif.


À lire :

  • Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005.
  • Alessandro Pignocchi, Anent. Nouvelles des Indiens Javaros, Steinkis, 2016 (préface de Philippe Descola ; La Recomposition des mondes, Seuil, 2019.

En coproduction avec Opera Mundi.

Cent jours autour du monde

Christian Garcin et Tanguy Viel.
Rencontre animée par Élodie Karaki.

« En cargo, en train, en voiture, à cheval s’il le faut, mais pas en avion. » Dans Travelling, deux écrivains font le récit d’une expérience pour le moins insolite au XXIe siècle : faire le tour du monde, sans jamais prendre l’avion !

L’un, Christian Garcin, est un grand voyageur, dont l’œuvre aux ramifications multiples se nourrit de ses pérégrinations ; l’autre, Tanguy Viel, un sédentaire à l’écriture distanciée qui croyait avoir signé la pétition de Beckett, « On est cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir ». Ensemble, ils se sont lancés le défi de parcourir le monde, de l’Amérique à la Sibérie en passant par le Japon et la Chine, par tous les moyens de transport possibles, sauf l’avion. Récit né de ce périple, leur ouvrage Travelling se révèle être une méditation littéraire inoubliable sur le voyage, sur notre rapport à l’espace et au temps, sur la confrontation entre le réel et ce qu’on imagine.

Pour Oh les beaux jours !, Christian Garcin a trié les photos de leur tour du monde, qu’ils projettent pour nous relater leur voyage en images… Comme une soirée diapo littéraire d’un genre nouveau !

« (…) quelque chose comme le voyage de Phileas Fogg en un peu plus long, volontairement plus long même, à l’opposé du pari qu’il fit quant à lui de la vitesse et de la performance. Et non pas parce qu’on se soutiendrait de l’idée absolument inverse d’une lenteur sans limites, mais enfin, il est vrai, en bons romantiques attardés, qu’à la performance on opposera volontiers la promenade, à la vitesse la flânerie, enfin, en bons bouddhistes zen, à l’œuvre accomplie le trajet qui y mène.


À lire

  • Christian Garcin, Tanguy Viel, Travelling, JC Lattès, 2019.
  • Christian Garcin, Les Oiseaux morts de l’Amérique, Actes Sud, 2018.
  • Tanguy Viel, Article 353 du Code pénal, Minuit, 2017 (Grand prix RTL–Lire).