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Des animaux et des hommes

Avec Vincent Message et Baptiste Morizot.
Entretien animé par Sophie Joubert.

Baptiste Morizot, philosophe, est l’auteur d’un livre passionnant, La Piste animale, où il vivifie sa pensée par des pratiques de terrain. À travers des récits de pistages des grands prédateurs, de l’ours de Yellowstone au loup du Var, de la panthère des neiges du Kirghizistan aux lombrics de nos composts d’appartement, il repense la cohabitation entre l’homme et l’animal. Il nous apprend à « voir l’invisible » et nous convie à adopter « d’autres dispositions à l’égard du vivant ». Pister devient alors un art de penser, où l’intuition et l’imagination côtoient le raisonnement, une tentative de renouvellement d’attention aux vivants.

La cause animale est aussi au cœur des préoccupations de l’écrivain Vincent Message, notamment dans son roman Défaite des maîtres et possesseurs, dont le titre – inspiré des mots de Descartes – nous renvoie de manière glaçante à nos échecs. Des êtres d’une race supérieure ont conquis la planète et les hommes, sous leur emprise, sont traits comme on trait les animaux ; on distingue désormais humains de compagnie et humains de boucherie… La réalité des abattoirs et les dérives de l’élevage industriel ont inspiré à Vincent Message ce récit, fable brillante sur la domination mais aussi réflexion sur les espèces et sur notre comportement envers les animaux.

À l’heure où l’on assiste à des débats passionnés sur la transition écologique et l’effondrement de la biodiversité, le véganisme, le spécisme et les droits des animaux, une rencontre avec deux auteurs dont la pensée originale nous exhorte à modifier notre regard et à changer nos pratiques.


À lire :

Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs, Seuil, 2017.
Baptiste Morizot, La Piste animale, coll. “Mondes sauvages”, Actes Sud, 2018.

Marseille, port d’attaches

Avec Claudine Galea et Cloé Korman.
Rencontre animée par Guénaël Boutouillet.

Dans Midi, Cloé Korman nous entraîne dans une tragédie que ses personnages vont vivre de manière rétrospective. Que s’est-il vraiment passé à Marseille, il y a vingt ans, lors de ce stage de théâtre pour enfants ? Que cachait cette petite fille à la silhouette fragile ? Claire, la narratrice, devenue médecin à Paris, va devoir affronter ce dont, alors à peine sortie sortie de l’adolescence, elle n’avait pas voulu prendre conscience, éblouie par l’insouciance de l’été…

Dans Les Choses comme elles sont, Claudine Galea retrace l’émancipation d’une enfant curieuse de tout, devenue adolescente rebelle, puis jeune femme sur le seuil de tous les possibles. On plonge avec elle dans une existence familiale d’une grande âpreté ; on respire aussi l’épaisseur langagière des époques traversées, à Marseille, et les relents amers de l’histoire, d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Rencontre avec deux auteures qui situent toutes deux l’action de leur dernier roman dans la cité phocéenne, port d’attaches certes, mais aussi lieu de sombres tempêtes.


À lire :

  • Claudine Galea, Les Choses comme elles sont, Verticales, 2019.
  • Cloé Korman, Midi, Seuil, 2018.

En coproduction avec l’Alcazar.

La mémoire des vivants

Avec Cécile Hennion et Hyam Yared.
Rencontre animée par Élodie Karaki.

Reporter au journal Le Monde, spécialiste du Moyen-Orient où elle a couvert de nombreux conflits, Cécile Hennion est l’auteure d’un livre bouleversant, Le Fil de nos vies brisées. Elle y fait le portrait de la ville syrienne d’Alep, telle qu’elle fut et ne sera jamais plus, à travers le récit de ses habitants contraints à l’exil par la violence et la guerre. Une ville réduit à l’inexistence, sauf à la faire revivre à travers la mémoire des vivants. C’est ce qu’elle s’emploie à faire, à la manière d’un Jean Hatzfeld quand il racontait le drame rwandais, dans une langue qui en fait aussi un objet littéraire à part entière. Une plongée dans l’indicible que ce livre parvient pourtant à transformer en un élan vital d’une grande force.

Née à Beyrouth, où elle vit toujours, Hyam Yared est ces temps-ci en résidence à Marseille – elle est la première titulaire de la chaire Camus, à l’IMéRA – où elle travaille sur le thème de l’hospitalité. Auteure de plusieurs recueils de poésie et de quatre romans, elle ausculte dans une langue puissante l’histoire du Liban, ses guerres successives et ses luttes politiques, mais aussi le poids hypocrite des traditions, la condition de la femme dans les sociétés orientales, la violence des discriminations…

Fiction, récit, poème, recueil de paroles… Quelles écritures pour dire le monde ? Rencontre avec deux auteures aussi engagées que passionnées, qui se sont rencontrées à Beyrouth et se retrouvent à Marseille.


À lire :

  • Cécile Hennion, Le Fil de nos brisées, Anne Carrière, 2019.
  • Hyam Yared, Tout est halluciné, Fayard, 2016.

En partenariat avec l’IMéRA.

 

Trous noirs et pages blanches

Avec Christian Garcin et Jean-Pierre Luminet.
Rencontre animée par Sophie Joubert.

Oh les beaux jours ! réunit l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet et l’écrivain Christian Garcin pour une rencontre vertigineuse autour des liens entre sciences et littérature qui nous mènera, de trous noirs en pages blanches, de l’infiniment grand à l’infiniment passionnant !

Jean-Pierre Luminet est sans doute le plus littéraire des scientifiques. Ce grand astrophysicien de renommée internationale, spécialiste des trous noirs et de la cosmologie, dont un astéroïde porte le nom, est également poète et romancier. Dans ses écrits – nombreux et variés –  il n’a de cesse d’établir des correspondances entre l’art, les sciences et les mots.

Des textes qui ont sans doute inspiré Christian Garcin, écrivain polymorphe, également traducteur, qui sait convoquer la science dans la fiction. Son dernier roman, Les Oiseaux morts de l’Amérique, met en scène un vétéran du Vietnam qui, devenu vagabond à Las Vegas, s’évade par la pensée, voyageant dans le futur comme dans le passé, à la reconquête d’une mémoire muette, d’un langage du souvenir.

Avec ce récit foisonnant, Christian Garcin aborde de façon inédite la question des pliures du temps, jouant de correspondances mystérieuses et de passerelles invisibles entre différents niveaux de réalité. Autant de principes qui rejoignent les champs de recherches de l’astrophysique… Et un point de départ fascinant pour nourrir cette conversation entre l’écrivain et l’astrophysicien !

« Qu’est-ce que le passé ? Le modifions-nous en le revisitant ? Nous est-il jamais arrivé de nous tenir côte à côte de l’enfant que nous avons été, et de lui chuchoter quelques mots à l’oreille pour qu’il puisse se souvenir, plus tard, de cette scène ? »
Christian Garcin


À lire :

  • Christian Garcin, Les Oiseaux morts de l’Amérique, roman, Actes Sud, 2018 ; Travelling, avec Tanguy Viel, récit, JC Lattès, 2019.
  • Jean-Pierre Luminet, Les Trous noirs, essai, Points Sciences, 2017 ; Un trou énorme dans le ciel, poésie, Éditions Bruno Doucey, 2014.
  • Le blog de Jean-Pierre Luminet : blogs.futura-sciences.com/luminet

Par-delà nature et culture

Avec Philippe Descola et Alessandro Pignocchi.
Rencontre animée par Sophie Joubert.

D’après Philippe Descola – anthropologue et professeur au Collège de France –, Bruno Latour et de nombreux autres penseurs contemporains, il est temps de se défaire de notre concept de « Nature » et d’apprendre à penser par-delà la distinction que l’Occident moderne trace entre la nature et la culture. Selon Alessandro Pignocchi, chercheur mais aussi auteur de bande dessinée, en France c’est dans les ZAD, et notamment celle de Notre-Dame-des-Landes, que cette révolution cosmologique trouve son expression la plus concrète et la plus massive. Il faut sortir de la nature à vocation utilitaire à laquelle elle se trouve cantonnée : la nature n’est pas utile, elle est source de liens.

À partir d’images tirées des albums d’Alessandro Pignocchi, les deux auteurs croiseront leurs points de vue sur l’anthropologie, l’écologie des relations et la façon dont les sciences et la bande dessinée peuvent traduire ensemble les usages du monde. Ils nous donneront sans doute également des Nouvelles des Indiens Jivaros, titre d’un album de Pignocchi où il raconte ses découvertes et ses déconvenues dans la jungle amazonienne chez les Jivaros Achuar, sur les traces d’un certain… Philippe Descola, qui vécut parmi eux de 1976 à 1979.

Une rencontre qui promet d’être passionnante entre l’un des plus éminents anthropologues de notre époque, lu et étudié dans le monde entier, et un auteur de BD qui sait mêler avec brio sciences humaines et humour incisif.


À lire :

  • Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005.
  • Alessandro Pignocchi, Anent. Nouvelles des Indiens Javaros, Steinkis, 2016 (préface de Philippe Descola ; La Recomposition des mondes, Seuil, 2019.

En coproduction avec Opera Mundi.

Cent jours autour du monde

Christian Garcin et Tanguy Viel.
Rencontre animée par Élodie Karaki.

« En cargo, en train, en voiture, à cheval s’il le faut, mais pas en avion. » Dans Travelling, deux écrivains font le récit d’une expérience pour le moins insolite au XXIe siècle : faire le tour du monde, sans jamais prendre l’avion !

L’un, Christian Garcin, est un grand voyageur, dont l’œuvre aux ramifications multiples se nourrit de ses pérégrinations ; l’autre, Tanguy Viel, un sédentaire à l’écriture distanciée qui croyait avoir signé la pétition de Beckett, « On est cons, mais pas au point de voyager pour le plaisir ». Ensemble, ils se sont lancés le défi de parcourir le monde, de l’Amérique à la Sibérie en passant par le Japon et la Chine, par tous les moyens de transport possibles, sauf l’avion. Récit né de ce périple, leur ouvrage Travelling se révèle être une méditation littéraire inoubliable sur le voyage, sur notre rapport à l’espace et au temps, sur la confrontation entre le réel et ce qu’on imagine.

Pour Oh les beaux jours !, Christian Garcin a trié les photos de leur tour du monde, qu’ils projettent pour nous relater leur voyage en images… Comme une soirée diapo littéraire d’un genre nouveau !

« (…) quelque chose comme le voyage de Phileas Fogg en un peu plus long, volontairement plus long même, à l’opposé du pari qu’il fit quant à lui de la vitesse et de la performance. Et non pas parce qu’on se soutiendrait de l’idée absolument inverse d’une lenteur sans limites, mais enfin, il est vrai, en bons romantiques attardés, qu’à la performance on opposera volontiers la promenade, à la vitesse la flânerie, enfin, en bons bouddhistes zen, à l’œuvre accomplie le trajet qui y mène.


À lire

  • Christian Garcin, Tanguy Viel, Travelling, JC Lattès, 2019.
  • Christian Garcin, Les Oiseaux morts de l’Amérique, Actes Sud, 2018.
  • Tanguy Viel, Article 353 du Code pénal, Minuit, 2017 (Grand prix RTL–Lire).

Non-dits

Avec Sarah Chiche et Corinne Royer.
Rencontre animée par Guénaël Boutouillet.

Rencontre avec deux auteures dont les derniers romans ont en commun les non-dits, les fantômes du passé, des figures maternelles déterminantes, mais aussi l’indépendance et la fougue nécessaire à l’amour et à la vie.

Dans Ce qui nous revient, Corinne Royer mêle la controverse scientifique au drame familial pour évoquer le destin contrarié de Marthe Gautier, premier médecin à mettre en évidence le gène surnuméraire de la trisomie 21 dans les années 1950, mais dépossédée de sa découverte par un confrère masculin.

Dans Les Enténébrés, l’écrivaine et psychanalyste Sarah Chiche compose une fresque puissante et sombre sur l’amour fou, où le mal familial côtoie celui de l’Histoire en marche, de la fin du XIXe siècle aux décombres de la Seconde Guerre mondiale, de l’Afrique des indépendances à la catastrophe climatique de ce début de millénaire.

Deux mosaïques romanesques qui traversent les époques dans le tourment des généalogies et questionnent la transmission, pour le meilleur et pour le pire…


À lire

  • Sarah Chiche, Les Enténébrés, Seuil, 2019.
  • Une histoire érotique de la psychanalyse, Payot, 2018.
  • Corinne Royer, Ce qui nous revient, Actes Sud, 2019.

En coproduction avec l’Alcazar.

Oh les beaux lecteurs !

Valérie Manteau dialogue avec ses lecteurs.

Valérie Manteau sera interrogée par les lecteurs des bibliothèques marseillaises. Épaulés par Élodie Karaki, critique littéraire, ces lecteurs se sont réunis régulièrement au cours des derniers mois et ont choisi le dernier roman de Valérie Manteau, Le Sillon, parmi un choix de livres qui leur étaient soumis. Le festival leur offre l’occasion d’une rencontre privilégiée avec elle pour évoquer ses engagements militants, son parcours de journaliste et d’écrivain et, sans doute, commenter le prix Renaudot qu’elle a reçu cette année.


À lire :

  • Valérie Manteau, Le Sillon, Le Tripode, 2018 (prix Renaudot 2018).

Une rencontre en partenariat avec le réseau des Bibliothèques de Marseille.

Des nouvelles d’Edgar Allan Poe

Avec Christian Garcin et Thierry Gillybœuf.
Rencontre animée par Élodie Karaki.

Après 1984 l’an dernier, Oh les beaux jours ! vous fait redécouvrir un autre « monstre » de la littérature à l’occasion de la nouvelle traduction de l’œuvre de l’écrivain américain Edgar Allan Poe. Plus d’un siècle et demi s’est écoulé depuis celle de Baudelaire et il fallait du culot (et du courage !) à Christian Garcin et à Thierry Gillybœuf pour s’attaquer à ce cas « unique dans les annales littéraires » où « traducteur et auteur semblent à ce point indissociables qu’on a parfois presque été tenté de croire que l’écrivain américain était une invention, une création du poète français ».

Qu’y a-t-il donc de nouveau ici ? Quelques corrections d’erreurs de traduction, de nouveaux mots qui viennent remplacer ceux qui n’existent plus dans les dictionnaires… Mais surtout l’ambition de traduire l’intégralité de l’œuvre (3 tomes sont prévus, avec des inédits), dans une présentation chronologique plutôt que thématique qui en révèle la richesse et casse l’image d’une littérature qui ne serait que fantastique, noire et macabre, inspirée seulement du gothique anglais ou du fantastique allemand. Car, on le constate ici, Poe fut aussi le père du roman policier et l’auteur d’écrits satiriques féroces visant de manière « plus ou moins déguisée » ses contemporains, avec un sens du grotesque et une habileté que les traducteurs décryptent aujourd’hui dans des notes contextualisant la vie politique et littéraire de l’époque.

Adieu donc la légende de l’écrivain incompris, du poète maudit, un corbeau noir perché l’épaule, sombre et alcoolique (Poe buvait peu d’alcool et n’a jamais fumé d’opium, nous apprennent les traducteurs) ! Avec l’obsession d’enquêteurs qui ne laissent rien de côté, dans une langue accessible qui ne trahit pas l’originale, Christian Garcin et Thierry Gillybœuf se sont lancés dans une entreprise captivante qu’ils partagent avec nous aujourd’hui.


À lire

  • Edgar Allan Poe, Nouvelles intégrales. Tome 1 (1831-1839) et Tome 2 (1840-1844), traduits de l’anglais (États-Unis) par Christian Garcin et Thierry Gillybœuf, Phébus, 2018 et 2019. Illustrations originales de Sophie Potié.

Reconnaissance

Avec Arnaud Cathrine et Delphine de Vigan.
Rencontre animée par Yann Nicol.

Delphine de Vigan est l’une des auteures les plus suivies de la littérature française d’aujourd’hui (citons Rien ne s’oppose à la nuit ou D’après une histoire vraie, prix Renaudot et Goncourt des lycéens 2015). Poursuivant le cycle entamé avec Les Loyautés, elle explore dans son nouveau roman, Les Gratitudes, cette forme de reconnaissance – profonde et sincère – qui nous lie les uns aux autres et transcendes nos existences. À travers l’histoire d’une vieille dame qui perd peu à peu l’usage de la parole, elle y soulève des questions universelles : remercie-t-on jamais assez ceux qui nous ont aimés, aidés, et sans qui nous ne serions pas tout à fait les mêmes ?

Arnaud Cathrine ne dit finalement pas autre chose dans J’entends des regards que vous croyez muets. En soixante-cinq récits brefs, il imagine les vies potentielles de celles et ceux qu’il croise – dans le métro, dans la rue, au café, à la plage… –, tout en renvoyant aux fantasmes de celui qui les regarde. Comme un jeu de miroirs entre ces inconnus propices à la fiction et un autoportrait subtil de l’auteur, devenu à son tour un personnage à part entière. S’il s’applique à « voler des gens », c’est bien parce qu’il se reconnaît en eux…

Répondant à l’invitation d’Oh les beaux jours !, Delphine de Vigan et Arnaud Cathrine se retrouvent tous deux sur la grande scène de La Criée pour évoquer cette idée polysémique de « reconnaissance », qu’ils creusent tous deux à leur manière dans leur œuvre respective en observant avec attention leurs contemporains. Rencontre avec deux auteurs qui se connaissent bien et qui se reconnaissent mutuellement dans une commune appartenance au monde.


À lire

  • Arnaud Cathrine, J’entends des regards que vous croyez muets, Verticales, 2019.
  • Delphine de Vigan, Les Gratitudes, JC Lattès, 2019.