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Les beaux jours de Paul B. Preciado

Paul B. Preciado
Entretien animé par Olivia Gesbert
Avec des interviews filmées de Virginie Despentes et Julien Delmaire

Philosophe du corps, des études de genre et de la politique sexuelle, Paul B. Preciado est l’une des voix les plus radicales et novatrices de la pensée contemporaine. Né à Burgos, en Espagne, en 1970, il se forme à la New School for Social Research à New York, puis à Princeton, où il soutient une thèse en théorie de l’architecture, marquée par les influences de Foucault, Derrida ou Judith Butler. Depuis, son parcours n’a cessé de mêler savoirs théoriques, engagement politique et récit autobiographique.

Théoricien d’une transition comme geste politique, il déconstruit avec audace les normes de genre et les structures patriarcales. Auteur de textes puissants et hybrides traduits dans le monde entier, Paul B. Preciado s’est imposé avec Testo Junkie (2008), œuvre-manifeste où il expérimente la testostérone en dehors du cadre médical, tout en critiquant les dispositifs de contrôle du corps que sont l’industrie pharmaceutique, la pornographie ou les biotechnologies. Vingt-cinq ans après sa parution, il vient de publier une nouvelle édition de son Manifeste contre-sexuel, un essai théorique fondateur de la pensée queer, où il propose une déconstruction radicale du système sexe-genre. Dans Je suis un monstre qui vous parle, il détourne le langage psychiatrique pour faire entendre une parole trans qui n’est ni pathologisée ni normée. Un appartement sur Uranus ou Dysphoria Mundi prolongent cette écriture incarnée, bouleversant les frontières entre le soi et le monde, l’intime et le politique.
Militant infatigable, commissaire d’expositions majeures (documenta 14, Biennale de Venise), cinéaste avec Orlando, ma biographie politique — film choral porté par vingt-six voix trans et non binaires — Paul B. Preciado dessine une autre cartographie des identités, en quête de mutations et de formes de vie insoumises.

Dans ce grand entretien, il reviendra sur son parcours, ses luttes, ses influences, mais aussi sur sa manière singulière d’écrire, de penser et d’habiter le monde. On y entendra aussi des interviews filmés de Virginie Despentes et de Julien Delmaire, complices de longue date.
Une rencontre exceptionnelle avec une figure intellectuelle majeure, dont les textes comme les gestes sont traversés par une énergie critique et poétique qui invite à repenser nos identités.

En coréalisation avec le Mucem.


À lire

  • Paul B. Preciado, Je suis un monstre qui vous parle, Grasset, 2020. 
  • Dysphoria Mundi, Grasset, 2022.
  • Manifeste contre-sexuel, traduit de l’espagnol par Vanasay Khamphommala, Au Diable Vauvert, 2025.

Les beaux jours de Marie-Hélène Lafon

Marie-Hélène Lafon et Pauline Maucort
Entretien animé par Marie Richeux (France Culture)

Fille du Cantal et héritière d’un monde rural qu’elle raconte avec une rare intensité, Marie-Hélène Lafon a fait de la littérature un territoire où la mémoire, les paysages et les êtres s’entrelacent. Issue d’une famille paysanne, devenue agrégée de grammaire et enseignante à Paris, elle n’a jamais rompu avec ses origines, puisant dans cette double appartenance une écriture précise, charnelle et traversée de silences éloquents.

Depuis Le Soir du chien (2001), prix Renaudot des lycéens, en passant par Histoire du fils (2020), couronné par le prix Renaudot, son œuvre creuse inlassablement la matière humaine, ausculte les liens de filiation, l’ancrage et l’exil, le poids des non-dits et la force des destinées ordinaires. Dans Joseph (2014) ou dans son dernier roman Les Sources (2023), elle excelle à faire surgir, d’une langue taillée à l’os, le monde paysan d’hier et d’aujourd’hui, ses rudesses et ses tendresses enfouies.

Marie-Hélène Lafon est l’invitée d’Oh les beaux jours ! pour un grand entretien où il sera question d’héritage et de transmission, d’écriture et de territoire, de la beauté âpre des campagnes et des vies que l’on y invente. À ses côtés, elle a convié la journaliste et productrice de documentaires radio Pauline Maucort, dont le travail de création s’appuie sur le recueil d’histoires intimes qui, par leur entrelacement, forment elles aussi la trame d’un récit collectif. Marie-Hélène Lafon nous parlera également du peintre Vincent Bioulès, et plus largement du rapport qu’elle entretient avec les images.

Une rencontre avec une des plus grandes écrivaines françaises, qui fait entendre, à travers une langue incandescente et dans la simplicité apparente du quotidien, la profondeur du romanesque.


À lire

  • Vies de Gilles, avec Denis Laget (peintures), Les éditions du Chemin de fer, 2025.
  • Les Sources, Buchet-Chastel, 2023 (prix du Style 2023).
  • Cézanne, Flammarion, 2023.
  • Histoire du fils, Buchet-Chastel, 2020 (Prix Renaudot).
  • Histoires, Buchet-Chastel, 2015 (prix Goncourt de la nouvelle).
  • Marie-Hélène Lafon, Le Soir du chien, Buchet-Chastel, 2001 (prix Renaudot des lycéens).

Retrouvez Marie-Hélène Lafon pour une sieste acoustique le vendredi 30 mai à 14h au Conservatoire.

Les beaux jours de Françoise Sagan

Arnaud Cathrine, Céline Hromadova et Denis Westhoff
Entretien animé par Alexandre Alajbegovic

Avec ce nouveau grand entretien posthume, le festival célèbre une figure incontournable de la littérature française du 20e siècle : Françoise Sagan (1935-2004), romancière fulgurante, libre et insaisissable, dont le nom évoque d’emblée l’élégance mélancolique d’un certain art de vivre et d’écrire.
Fille d’une famille bourgeoise du Lot, elle publie à seulement 18 ans Bonjour tristesse, roman scandaleusement moderne qui fait d’elle un mythe instantané, admirée pour son style vif, sa lucidité cruelle, et sa désinvolture frondeuse. « Un charmant petit monstre », écrivait Mauriac.

Sagan, c’est une « petite musique » reconnaissable entre toutes : celle des amours désabusées, des existences mondaines traversées de spleen, des héroïnes au bord du vertige. De Aimez-vous Brahms ? à La Chamade, en passant par ses pièces de théâtre, ses chroniques et ses confidences autobiographiques, elle laisse une œuvre marquée par une liberté de ton rare et une grâce faussement légère. Mais Françoise Sagan, c’est aussi une vie de passions et de scandales : la vitesse, les amitiés flamboyantes, les excès, les accidents, les procès. Une existence sans concessions, entre ivresse de vivre et solitude assumée, qui continue de fasciner autant que son écriture.

Pour évoquer cette femme sans pareil, l’écrivain Arnaud Cathrine, admirateur de longue date et auteur d’une nouvelle consacrée à l’écrivaine, la chercheuse Céline Hromadova, spécialiste de son œuvre, et Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan. Avec passion, mais sans nostalgie, tous se prêteront à un exercice d’admiration, entre témoignages, lectures et images d’archives.
Une traversée en clair-obscur dans l’univers d’une femme qui « ne croyait pas pouvoir vivre sans élégance », et qui fit de l’écriture un éclat de liberté.


À lire

  • Arnaud Cathrine, Nos vies romancées, Stock, 2011.
  • Céline Hromadova, Françoise Sagan à contre-courant, Presses Sorbonne Nouvelle, 2017; Bonjour tristesse 1954-2024, avec Flavien Falantin, Classiques Garnier, 2024. 
  • Denis Westhoff, Sagan et fils, Stock, 2012; Les Années Sagan, Gourcuff Gradenigo, 2024.
  • Et toute l’œuvre de Françoise Sagan !

Retrouvez Arnaud Cathrine pour le spectacle La Nuit Mylène. Tout est chaos ?, la lecture musicale Roman de plages et le DJ Set des écrivains du festival.

Le rêve du jaguar

Miguel Bonnefoy
Entretien animé par Sonia Déchamps

Oh les beaux jours ! est heureux d’accueillir pour la première fois l’écrivain franco-vénézuélien Miguel Bonnefoy. Avec Le Rêve du jaguar, il nous entraîne dans une saga familiale tourbillonnante, nourrie de ses racines et de l’imaginaire sud-américain. Tout commence à Maracaibo, au Venezuela, où un nouveau-né abandonné, Antonio, est recueilli sur les marches d’une église par une mendiante muette. Devenu orphelin, il grandit dans la pauvreté, exerce mille métiers, puis, porté par une énergie combative, se hisse au rang de chirurgien renommé. Sur sa route, il rencontre Ana Maria, la première femme médecin de la région, qui devient sa compagne. Ensemble, ils donneront naissance à une fille prénommée Venezuela, en hommage à leur pays alors en pleine tourmente politique. De génération en génération, la famille inscrit ses histoires dans la mémoire du pays, jusqu’à Cristobal, dernier maillon de cette lignée, qui recueille dans son carnet les mille histoires de ses ancêtres…

Au-delà d’un portrait familial hors du commun, Le Rêve du jaguar nous plonge dans l’histoire tourmentée du Venezuela, ses révolutions, ses dictatures et ses mythes fondateurs. Nourri à la source de la littérature sud-américaine et au réalisme magique, sans jamais être prisonnier de ses codes, Miguel Bonnefoy excelle à entrelacer précision historique et onirisme, porté par un art du récit sans faille. Avec un style flamboyant, poétique, qui emprunte ses références à la nature, à la jungle, à la pluie et à la terre rouge, il sculpte ses phrases et offre à ses personnages une épaisseur inoubliable.

Lauréat du Grand Prix du Roman de l’Académie française et du prix Femina, Miguel Bonnefoy reviendra sur la genèse de cette fresque familiale, la manière dont le Venezuela y devient un personnage à part entière, mais aussi sur son rapport à la langue française et à l’héritage métissé qui irrigue toute son œuvre.


À lire

  • Miguel Bonnefoy, Le Rêve du jaguar, Éditions Rivages, 2024 (Grand Prix de l’Académie française et prix Femina).

La grande interview du Club ado

Amélie Antoine dialogue avec le Club de lecture ado de l’Alcazar

En partenariat avec le réseau de lecture publique de la Ville de Marseille, Oh les beaux jours ! a mis en place un club de lecture à destination des 13-17 ans. Accompagnées par les bibliothécaires de l’Alcazar, sept jeunes lectrices ont exploré une sélection de dix livres, débattu de leurs coups de cœur et choisi collectivement l’ouvrage qu’elles souhaitaient mettre en avant lors d’une rencontre publique inscrite au programme du festival. Ce projet leur a permis de prendre en main l’organisation de l’événement : choix du livre, préparation des questions, animation de la rencontre… Autant d’étapes qui transforment ces adolescentes en actrices autonomes de la vie littéraire.

Après des discussions passionnées, leur choix s’est porté sur Ne vois-tu rien venir ? d’Amélie Antoine, un roman fort et engagé qui suit, à deux voix, le parcours de Sarah, élève populaire, et d’Orlane, la nouvelle. Il explore avec justesse les rouages du harcèlement scolaire, la peur, l’isolement, mais aussi la résilience et l’espoir. Originalité du livre : il propose deux fins alternatives, l’une sombre, l’autre constructive, pour ouvrir la réflexion et encourager l’action. La postface d’Emmanuelle Piquet, spécialiste du harcèlement, enrichit encore la lecture et fait de ce roman un outil précieux de compréhension et de prévention.

Amélie Antoine sera donc interviewée par les membres du Club ado sur la scène de l’Alcazar. Depuis plusieurs semaines, celles-ci ont profité de l’ouverture des coulisses du festival pour s’immerger dans la préparation d’une manifestation littéraire. Elles auront également l’opportunité de rencontrer l’éditrice d’Amélie Antoine, afin de découvrir les différents métiers du livre et d’approfondir leur regard sur la création littéraire.
Une belle manière de faire vivre la littérature jeunesse à Marseille !

En partenariat avec les bibliothèques de la Ville de Marseille.


À lire

  • Amélie Antoine, Ne vois-tu rien venir ?, Syros, 2024.

L’Instant poésie – France Culture avec Blandine Rinkel

L’Instant poésie – France Culture avec Blandine Rinkel
Rencontre animée par Camille Renard

Expérience sensorielle et immersive programmée à l’antenne, en podcast et également sur les réseaux sociaux de France Culture, L’Instant poésie invite à un partage d’émotions. Chaque poème est éclairé par la voix d’un artiste qui compose jour après jour à l’antenne sa propre anthologie.

L’exercice est à la fois simple et excitant : dans le hall de La Criée, Blandine Rinkel pioche dans les archives de Radio France des poèmes lus par des comédiens et proposent au public un moment d’échange. Pourquoi se souvient-elle de ce vers ? Quels rimes l’émeuvent ? Quels auteurs chérit-elle ? «Le temps du poème n’est pas le temps du poète» écrivait Guy Goffette, «il est plutôt le temps nombreux du vertige ou de la communion des temps». En véritable passeuse de la poésie d’hier et d’aujourd’hui, l’écrivaine transmet au public ses émotions à travers ses morceaux choisis.
Équipé de casque pour ne rien perdre de leurs confidences, le public est invité à les entendre en direct.

Autrice et musicienne à l’énergie contagieuse, Blandine Rinkel explore avec finesse les zones floues de l’intime et du politique, de la famille et de la liberté. Elle poursuit une œuvre littéraire audacieuse, entre roman, essai et autofiction. Sur scène, elle prête aussi sa voix et sa fougue au groupe Catastrophe, où se mêlent danse, littérature et pop jubilatoire.


  • À écouter
    L’Instant poésie sur France Culture, du lundi au vendredi à 21h30, ou en podcast.

Retrouvez Blandine Rinkel le vendredi 30 mai à 14h30 au conservatoire pour une rencontre avec Hélène Giannecchini intitulée Choisir sa famille et le samedi 31 mai à 21h au conservatoire pour le Kometa Comedy Club.

L’Instant poésie – France Culture avec Arnaud Cathrine

L’Instant poésie – France Culture avec Arnaud Cathrine
Rencontres animées par Camille Renard

Expérience sensorielle et immersive programmée à l’antenne, en podcast et également sur les réseaux sociaux de France Culture, L’instant poésie invite à un partage d’émotions. Chaque poème est éclairé par la voix d’un artiste qui compose jour après jour à l’antenne sa propre anthologie.

Dans le hall de La Criée, Arnaud Cathrine pioche dans les archives de Radio France des poèmes lus par des comédiens et proposent au public un moment d’échange. Pourquoi se souvient-il de ce vers ? Quels rimes l’émeuvent ? Quels auteurs chérit-il ? «Le temps du poème n’est pas le temps du poète» écrivait Guy Goffette, «il est plutôt le temps nombreux du vertige ou de la communion des temps». En véritable passeur de la poésie d’hier et d’aujourd’hui, l’écrivain transmet au public ses émotions à travers ses morceaux choisis.

Équipé de casque pour ne rien perdre de ses confidences, le public est invité à l’entendre en direct.

Sensible à la musique et aux mots, conseiller littéraire pour la Maison de la poésie à Paris et pour les Correspondances de Manosque, Arnaud Cathrine fait régulièrement entendre ses écrits sur scène et travaille avec de nombreux chanteurs et musiciens.


 

Je ne sais pas si je passe bien dans le paysage

Anne Portugal
Entretien animé par Michaël Batalla

Pour écrire ses livres de poésie, depuis Les Commodités d’une banquette (P.O.L, 1985) jusqu’à s&lfies (P.O.L, 2023), en passant par quelques opuscules plus secrets (voyer en l’air, Éditions l’Attente, 2001), Anne Portugal imagine des dispositifs éphémères comme on conçoit dans l’industrie des montages d’usinage, dans le but de faciliter la fabrication en série des pièces attendues.
Travaillant ainsi par ensembles successifs, elle donne vie à des « générations de poèmes » qu’elle charge de solutionner des problèmes variés, tout à la fois historiques, esthétiques et politiques comme, par exemple, celui du voyeurisme (Le plus simple appareil, P.O.L, 1992).

Du surréalisme sans métaphores à l’autoportrait sans images, chaque livre d’Anne Portugal se présente dès lors comme le laboratoire d’une écriture nouvelle qui ravive l’expérience de la lecture.
En sa compagnie, nous explorerons, en parole et par les textes, quelques-unes des lignes de force de cette passionnante aventure de création poétique.

En partenariat avec le CipM.


À lire

  • Anne Portugal, s&lfies, Éditions P.O.L, 2023.

 

Habiter l’intime

Marie Kock et Mazarine M. Pingeot
Rencontre animée par Camille Thomine

Dans Après le virage, c’est chez moi, un essai à la fois intime et philosophique, Marie Kock explore la quête universelle d’un « chez soi ». Mêlant souvenirs personnels, réflexions sur l’enfance et considérations sur les contraintes sociales, elle interroge notre rapport à l’habitat, naviguant entre les lieux que nous quittons et ceux que nous espérons trouver.

Mazarine Pingeot revisite dans 11 quai Branly un pan secret de son histoire. Avec une écriture tout en émotion contenue, elle nous ouvre les portes d’un appartement parisien où, adolescente, elle vécut cachée, fille d’un président de la République. Ce retour sur les lieux de son enfance clandestine, aussi romanesque que philosophique, devient une exploration des fantômes de son passé et de la construction de soi dans l’ombre du secret.

Rencontre avec deux autrices qui nous invitent à réfléchir sur la façon dont les lieux façonnent nos identités, tissant une réflexion profonde sur notre rapport à l’espace et à nous-mêmes.
Leur dialogue débutera avec la présentation, par un conservateur du musée, d’une œuvre appartenant aux collections du Mucem, choisie pour ses résonances avec les deux textes.

En coréalisation avec le Mucem.


À lire

  • Marie Kock, Après le virage, c’est chez moi, La Découverte, 2025.
  • Mazarine M. Pingeot, 11 quai Branly, Flammarion, 2024.

Grand déballage

Mona Messine et Esther Teillard
Rencontre animée par Claire Mayot

Il y a des livres qui laissent des traces, non parce qu’ils cherchent à convaincre, mais parce qu’ils passent en force. Carnes d’Esther Teillard et Villa Bergamote de Mona Messine en font partie. Deux romans sans concession, qui choisissent le risque plutôt que le confort, le mordant plutôt que le bienveillant – et qui, chacun à leur manière, mettent le feu aux conventions du récit féminin.

Chez Esther Teillard, c’est une écriture à vif, tout en nerfs et en griffures, qui suit les dérives d’une narratrice sans nom entre Marseille et Paris. Des plages brûlantes où bronzent les cagoles aux milieux arty parisien, elle traverse des lieux où le désir n’est jamais neutre, où le corps est terrain de violence, d’épreuve et de revanche. C’est une prose qui cogne autant qu’elle palpe, traversée par les noms de femmes mythiques – Hestia, Médée, Ève – comme autant de masques pour dire l’insupportable. Carnes, c’est la chair sans fard, le féminin dans ce qu’il a de plus exposé, de plus insurgé.

Chez Mona Messine, la violence se drape d’un autre langage – plus joueur, mais tout aussi acéré. Villa Bergamote met en scène une outsider propulsée malgré elle dans les coulisses d’un pouvoir mafieux et grotesque. Le luxe, la corruption, les héritiers, les armes planquées et les cocktails trop sucrés sirotés dans une villa des Antilles composent un théâtre où la narratrice, Roxane, observe et encaisse. Mais derrière cette passivité de surface, c’est une parole souveraine qui s’élève : ironique, féroce, consciente de sa condition de pièce rapportée dans une dynastie de ploutocrates. L’humour ici est un scalpel, la langue, un territoire de résistance.

Ce qui unit ces deux romans ? Une manière de raconter les femmes sans les lisser. Une attention aiguë à la violence systémique, qu’elle soit sociale, sexuelle ou symbolique. Et surtout, une langue à contre-courant, nourrie de colère, d’intelligence et de jubilation. On ressort de ces lectures à la fois dérouté et galvanisé, avec le sentiment d’avoir été invité à un grand carnaval du réel – où la parole ne s’excuse pas d’être outrée, ni d’être outrancière.
Esther Teillard et Mona Messine dialogueront autour de ces univers où l’intime rime avec politique, où les héroïnes, gouailleuses ou mutiques, ne demandent pas la permission d’exister. Un moment rare avec deux voix qui comptent déjà, et qui ne comptent pas s’arrêter là !


À lire

  • Mona Messine, Villa Bergamote, Bouclard, 2025.
  • Esther Teillard, Carnes, Pauvert, 2025.

Retrouvez Esther Teillard pour une sieste acoustique le samedi 31 mai à 14h30 au conservatoire Pierre Barbizet.