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À la rencontre de Sébastien Joanniez

Sébastien Joanniez dialogue avec ses jeunes lecteurs

Oh les beaux jours ! invite les élèves du lycée professionnel de La Viste à rencontrer Sébastien Joanniez.
Ils intervieweront eux-mêmes l’écrivain autour de son roman On a supermarché sur la lune, où Rosa, 14 ans, tient un journal intime drôle, poétique et bouleversant. Un livre qui capte avec justesse les tumultes de l’adolescence.

 


À lire

  • Sébastien Joanniez, On a supermarché sur la lune, La Joie de lire, 2022.

Jour de ressac

Maylis de Kerangal
Entretien animé par Camille Thomine

Un appel venu du Havre. Un cadavre sur la plage. Un numéro de téléphone griffonné sur un ticket de cinéma. Et une femme, doubleuse de films, rappelée brutalement à une ville quittée depuis des décennies. Ainsi s’ouvre Jour de ressac, le dernier roman de Maylis de Kerangal, où l’enquête cède rapidement la place à une dérive urbaine et mentale, tissée de réminiscences, de visages oubliés et de paysages intérieurs.

Dans ce récit à la première personne – une rareté chez l’autrice – Le Havre devient bien plus qu’un décor : il agit comme un révélateur. Ville reconstruite sur ses ruines, ville fantôme et ville vivante, elle expose ses failles au même rythme que la narratrice redécouvre les siennes. Tout est affaire de correspondances, de signaux faibles, de liens invisibles. Le style ample et sinueux de Maylis de Kerangal épouse ce mouvement, entre rêverie concrète et lucidité inquiète.

Lors de cette rencontre, l’écrivaine lira des extraits de son roman et reviendra sur ce livre qu’elle dit être son plus personnel, non parce qu’il raconte sa vie, mais parce qu’il creuse le sol de ce qui la fonde : une ville, une voix, une mémoire qui travaille encore. Jour de ressac n’est pas un retour nostalgique, mais un regard tendu vers ce qui persiste.


À lire

  • Maylis de Kerangal, Jour de ressac, Éditions Verticales, 2024.

Retrouvez Maylis de Kerangal le dimanche 1er juin à 11h au GMEM pour Musiques-Fictions.

La figure

Bertrand Belin
Entretien animé par Camille Thomine

Avec La Figure, son cinquième roman, Bertrand Belin poursuit son beau cheminement d’écrivain, avec un récit à la fois intime et elliptique, où l’enfance et la langue se heurtent à la brutalité d’un héritage familial. Replié dans un buisson de laurier — refuge mental et physique — le narrateur voit défiler sa propre histoire comme un film trouble : visions d’un père violent, errances adolescentes et échappées imaginaires. À ses côtés, « La Figure », entité mi-ironique mi-tutélaire, lui souffle des mots, l’interpelle, le trouble. Dans une prose inventive et précise, Bertrand Belin donne corps à une mémoire fissurée, où l’écriture devient un moyen de fuir, mais aussi de faire face.

À travers ce roman d’apprentissage disloqué, il interroge ce que devient la langue quand on vient d’un monde où elle n’a pas droit de cité. La Figure explore la tension entre oralité et littérature, entre le poids du silence et le surgissement d’une voix propre, l’absence de mots et l’appel d’une langue à inventer — un questionnement qui résonne avec son parcours de chanteur autant que d’écrivain.

Depuis plus de vingt ans, dans ses disques (Hypernuit, Tambour Vision) comme dans ses romans, tous publiés chez P.O.L (Requin, Grands carnivores), Bertrand Belin sculpte le réel par éclats, avec une mélancolie dense et une ironie lucide. La Figure prolonge ce geste artistique singulier, dans une langue rugueuse, élégante, habitée par les fantômes et la puissance de l’imaginaire.


À lire

  • Bertrand Belin, La Figure, Éditions P.O.L, 2025.

Tout est roman

Adrien Bosc et Baptiste Fillon
Rencontre animée par Camille Thomine

Dans son dernier livre, Adrien Bosc remonte, comme à son habitude, le fil de l’histoire. L’Invention de Tristan est un roman-enquête qui retrace le destin singulier de Tristan Egolf, écrivain américain météorique, à travers le regard de Zachary, un Américain de passage à Paris. Parti d’une légende littéraire – celle d’un jeune auteur sans le sou, rejeté par tous les éditeurs de son pays, qui trouve son salut en France grâce à une rencontre amoureuse et à l’entremise du père de sa compagne, un écrivain célèbre –, le narrateur mène l’enquête. De Paris à Lancaster (Pennsylvanie), il reconstitue le parcours de cet écrivain fulgurant, auteur du cultissime Seigneur des porcheries.

Un coup de pied dans la poussière retrace le destin de Nissan, un peintre né dans une famille juive en Ukraine au début des années 1920. Fuyant les pogroms, sa famille émigre en Galilée alors qu’il est adolescent. Tandis que ses proches s’attachent au travail de la terre, Nissan se passionne pour le dessin. À quinze ans, il est enrôlé dans les forces d’autodéfense juives et participe à des expéditions contre des paysans arabes. Révolté par la violence à laquelle il prend part, il désobéit, provoquant la rupture avec sa famille. Installé à Tel Aviv, il se consacre à la peinture et rejoint le parti communiste, qui rassemble alors Juifs et Arabes. Mais l’histoire mouvementée du 20e siècle le rattrape, bouleversant à nouveau sa trajectoire.

Deux écrivains questionnent la place de l’individu face à l’étau d’une époque, à la pression des origines et à la violence du monde. Par ailleurs scénariste, Baptiste Fillon déploie une écriture attentive à l’intime et aux arcs narratifs, tandis qu’Adrien Bosc brouille les pistes, entre documentaire et fiction.
Où commence le roman et où s’arrête l’enquête ? Deux récits passionnants, deux destins, deux manières d’inventer la littérature à partir d’histoires vraies.


À lire

  • Adrien Bosc, L’Invention de Tristan, Stock, 2025.
  • Baptiste Fillon, Un coup de pied dans la poussière, Le Bruit du monde, 2025.

Démons intérieurs

Constantin Alexandrakis et Rebecca Lighieri
Rencontre animée par Chloë Cambreling

Dans L’Hospitalité au démon, Constantin Alexandrakis s’attaque de front à l’un des tabous les plus tenaces : les violences sexuelles subies par les hommes. À travers la figure d’un père bouleversé par le surgissement d’un passé traumatique — celui d’attouchements subis dans l’enfance — il livre un roman sidérant, à la fois intime et politique. Fulgurant, parfois dérangeant, ce texte tente de «cartographier le Grand Continent des Violences Sexuelles» sans céder ni au pathos ni aux simplifications. Loin d’un récit de pure confession, Constantin Alexandrakis interroge la peur de la reproduction des schémas de violence, la confusion des héritages, et le pouvoir de la littérature comme lieu de mise à distance. Préfacé par Neige Sinno, son livre s’impose comme un geste littéraire fort, au croisement de l’autofiction, de l’essai philosophique et de l’écrit expérimental.

Rebecca Lighieri poursuit dans Le Club des enfants perdus sa saisissante exploration des enfances fracassées. Cette fois, c’est Miranda, jeune fille hypersensible et visionnaire, qui tente de survivre à un monde adulte incapable de la comprendre — père acteur narcissique, mère absente, société aveugle aux tourments adolescents. Entre fantastique et réalisme cru, hallucinations et dérive toxique, le roman dresse le portrait d’une génération submergée par l’émotion, en mal de refuge, en quête d’un langage pour dire l’angoisse. Le réalisme y côtoie le fantastique, la pop culture croise Shakespeare, et la douleur devient, elle aussi, matière d’écriture.

Deux romans puissants, hantés par des figures d’enfants perdus, marqués par des corps en crise et des familles en délitement. Deux écritures qui, chacune à leur manière, sondent les marges de l’intime pour faire émerger une parole neuve, affranchie des normes. Rebecca Lighieri ne s’y est pas trompée : lectrice enthousiaste de L’Hospitalité au démon, elle a vu dans le livre de Constantin Alexandrakis une œuvre «magistrale».


À lire

  • Constantin Alexandrakis, L’Hospitalité au démon, Éditions Verticales, 2025.
  • Rebecca Lighieri, Le Club des enfants perdus, Éditions P.O.L, 2024.


Retrouvez Constantin Alexandrakis le samedi 31 mai à l’Alcazar lors des Rencontres de la NRF et Rebecca Lighieri (Emmanuelle Bayamack-Tam) le jeudi 29 mai à La Criée lors de la soirée La Nuit Mylène. Tout est chaos ?

Les enfants du silence

Claude Ardid et Jessica Martin (François Beaune)
Rencontre animée par Claire Mayot

Dans La Profondeur de l’eau, François Beaune, sous le pseudonyme de Jessica Martin, donne voix à une femme marquée par une enfance fracassée : maltraitance, mort d’un petit frère, errance de foyers en familles d’accueil au gré des décisions de l’Aide sociale à l’enfance. L’écrivain confronte avec justesse le récit intime et la froideur administrative, révélant la violence systémique et l’aveuglement d’une société qui ne sait pas protéger ses enfants. Né d’une histoire vraie, ce livre est loin d’être un simple récit documentaire, c’est une œuvre littéraire puissante qui fait émerger une voix, où le motif aquatique devient le fil rouge d’une reconstruction fragile. La recherche de justesse y prime sur la vérité brute.

Claude Ardid a mené une enquête implacable au cœur de l’Aide sociale à l’enfance. Pendant dix-huit mois, le journaliste a sillonné la France pour recueillir les témoignages d’enfants brisés, de familles démunies, d’éducateurs épuisés et de magistrats impuissants. Son constat est glaçant : suicides d’adolescents, prostitution de mineurs dans les foyers, violences ignorées, mineurs livrés à eux-mêmes… Il révèle l’ampleur d’un scandale d’État et la faillite d’un système censé protéger les plus vulnérables. Mais il donne aussi la parole à celles et ceux qui résistent, refusant de baisser les bras face à la machine à fabriquer du malheur.

L’un par la littérature, l’autre par l’enquête journalistique, François Beaune et Claude Ardid révèlent la même urgence : dire l’indicible et rappeler que derrière chaque dossier, chaque statistique, il y a une vie. À l’heure où la protection de l’enfance fait l’objet d’un débat public brûlant, leur dialogue nous invite à repenser collectivement notre responsabilité envers les plus fragiles.


À lire

  • Claude Ardid, La fabrique du malheur, Éditions de L’Observatoire, 2025.
  • Jessica Martin (François Beaune), La Profondeur de l’eau, Albin Michel, 2025.

Qui était Sylvain Menu ?

Mathieu Simonet et la classe de 3e D du collège Sylvain Menu (Marseille)

En 1981, Sylvain Menu, alors élève de 3e, a accompli un acte de bravoure qui a marqué à jamais la mémoire de son collège et de la ville de Marseille. Dans les calanques, il n’a pas hésité à risquer sa vie pour sauver celle d’un camarade emporté par les vagues. Sylvain est parvenu à ramener l’enfant sur la terre ferme, mais a été lui-même emporté par la mer, disparaissant tragiquement à l’âge de 16 ans. En hommage à son courage, le collège de la Gaye a été rebaptisé collège Sylvain Menu en 1982, à la demande unanime des élèves et des enseignants

Plus de quarante ans après, les élèves de 3e du collège Sylvain Menu ont choisi de raviver la mémoire de ce jeune héros en menant une enquête passionnante : qui était Sylvain Menu au-delà du nom gravé sur la façade de leur établissement ? Qu’aimait-il ? Quel genre de musique écoutait-il ? Quels étaient ses rêves, ses passions, ses amitiés et ses amours ?

Pour répondre à ces questions, ils ont été accompagnés par l’écrivain Mathieu Simonet, à l’initiative du projet et cousin éloigné de Sylvain Menu, qui a guidé les collégiens dans une démarche d’investigation à la fois humaine et documentaire. Ensemble, ils ont exploré des archives, retrouvé des films Super 8, consulté les bulletins scolaires de Sylvain, recueilli les témoignages de sa famille et d’anciens camarades, et même tenté de reconstituer sa playlist musicale, lui qui jouait de la guitare dans le métro, à la station Castellane.

Ce travail collectif vise à dépasser la simple commémoration pour redonner chair et voix à cet adolescent à la fois ordinaire et exceptionnel, héros discret et modèle de solidarité. Les élèves présenteront le fruit de leur enquête sous forme de portraits, de récits, d’images et de sons, nous invitant à découvrir la personnalité lumineuse de celui dont leur collège porte le nom.

Imaginé et mené avec l’aide précieuse de Mathieu Simonet et la complicité de la musicienne Amandine Maissiat, un événement qui conjugue émotion et transmission, où l’histoire individuelle rejoint la mémoire collective.

Remerciements à l’équipe éducative du collège et à la famille de Sylvain Menu.

Le bastion des larmes

Abdellah Taïa
Entretien animé par Élodie Karaki

Abdellah Taïa signe un roman bouleversant, Le Bastion des larmes, où le retour d’un homme au Maroc, dans sa ville natale, fait remonter à la surface les fantômes d’une vie entière. Vingt-cinq ans après avoir quitté Salé, sa mère décédée, Youssef revient dans la maison familiale. Professeur d’université en France, il se retrouve happé par les blessures enfouies de l’enfance, les silences jamais brisés, les humiliations tues et les gestes d’amour restés à l’état de promesse. Comme toujours, Abdellah Taïa explore avec une rare délicatesse les liens complexes entre filiation, mémoire, exil et transmission. Dans une langue sobre, parfois presque chuchotée, il parvient à faire entendre ce que le chagrin, l’absence, la honte ou le désir ne peuvent dire à voix haute.

Né à Salé, au Maroc, Abdellah Taïa vit à Paris et construit depuis plus de vingt ans une œuvre littéraire libre et courageuse, traversée par les thèmes de l’homosexualité, de l’émancipation, de la marginalité. Premier écrivain marocain à avoir revendiqué publiquement son homosexualité, il est  l’auteur d’une dizaine de livres traduits dans plusieurs langues, dont L’Armée du salut et Un pays pour mourir, et le réalisateur du film tiré de son premier roman.

Avec Le Bastion des larmes, couronné par le prix Décembre, il confirme son talent pour faire entendre les voix étouffées — celles des fils blessés, des mères absentes ou muettes, des êtres en quête d’un abri. Un moment fort en perspective avec un écrivain qui, livre après livre, fait de la littérature un espace de vérité et de résistance.


À lire

  • Abdellah Taïa, Le Bastion des larmes, Julliard, 2024 (prix Décembre).

D’ombre et de lumière

René Frégni et Joris Giovannetti
Rencontre animée par Amaury Chardeau

Avec Ceux que la nuit choisit, Joris Giovannetti signe un premier roman d’une intensité rare, dans lequel la Corse contemporaine devient le théâtre d’une jeunesse en équilibre précaire. Entre fidélité aux racines et désir d’émancipation, ses personnages, deux frères étudiants à Corte, affrontent la violence sociale, l’ombre du nationalisme, les blessures du cœur et du passé. Giovannetti capte les silences de l’île, ses colères sourdes, et interroge ce qui, dans l’héritage, se transmet ou s’empoisonne. À la fois roman d’apprentissage et fresque sociale, ce premier texte, salué par Jérôme Ferrari, impressionne par sa lucidité .

René Frégni, quant à lui, trace depuis plus de trente ans une œuvre sensible et puissante, où l’écriture devient une manière de survivre, de dire les fêlures et la beauté du monde. Dans Déserter , récit d’entretiens, il revient sur sa vie de fugues et de refus : désertion scolaire, militaire, sociale, pour mieux rejoindre l’essentiel — les mots, la liberté, l’errance, les rencontres qui sauvent. L’écrivain évoque Marseille, la prison, la Corse, ses maîtres (Camus, Genet, Giono) et son amour inébranlable pour les invisibles, les cabossés, les vivants debout malgré tout.

Refus des assignations, enracinement, regard ancré dans le tourment des hommes, mais aussi capacité de l’écriture à transformer la nuit en lumière : autant de lignes communes entre ces deux écrivains, de générations différentes mais animés d’un même élan.
Avec la générosité qu’on lui connaît, René Frégni reconnaît dans le premier roman de Joris Giovannetti une urgence authentique. Cette filiation littéraire donne à cette rencontre une résonance particulière, placée sous le signe de la transmission.


À lire

  • René Frégni, Déserter, Entretiens avec Fabrice Lardreau, Arthaud, 2024.
  • Joris Giovannetti, Ceux que la nuit choisit, Denoël, 2025.

L’Éden à l’aube

Karim Kattan
Entretien animé par Élodie Karaki

Dans son nouveau roman, Karim Kattan raconte une histoire d’amour entre deux jeunes hommes, de Jérusalem à la Cisjordanie. Mais L’Éden à l’aube est bien plus qu’un récit amoureux : c’est une traversée sensorielle, une errance hantée par la mémoire, le désir, la colère, le deuil, l’humour et les bêtes. Dans une langue fragmentaire et incantatoire, l’écrivain palestinien fait glisser le réel vers l’onirique : lézards, cafards, visages aux contours mouvants traversent le texte comme autant de figures d’une résistance vivante, organique, parfois grotesque, toujours bouleversante.

L’Éden à l’aube interroge le pouvoir des mots dans un monde disloqué. Que peut la littérature face à la dépossession ? Comment redonner forme aux jours dans un territoire miné, morcelé, sous surveillance constante ? Ici, l’écriture n’est pas un refuge, mais une manière d’habiter le trouble — de faire surgir, malgré tout, une beauté têtue.

Dans le contexte politique actuel, l’œuvre de Karim Kattan résonne avec une force particulière. Elle affirme la nécessité d’une parole palestinienne libre, mouvante, indisciplinée, capable de résister à l’effacement par la puissance du récit.


À lire

  • Karim Kattan, L’Éden à l’aube, Éditions Elyzad, 2024.

Retrouvez Karim Kattan mardi 27 mai à 10h30 à l’Alcazar pour un dialogue avec ses jeunes lecteurs.