La petite bibliothèque de Valérie Zenatti

Durant le festival, nous avons interrogé les autrices et auteurs invités sur une petite bibliothèque idéale. Rencontre avec Valérie Zenatti qui a publié Qui-vive aux Éditions de L’Olivier en 2024.
Quelle œuvre vous évoque la mer ?
L’île d’Arturo d’Elsa Morante. Un livre merveilleux sur un jeune garçon qui essaie de déchiffrer l’énigme que son père représente pour lui. C’est un pêcheur, orphelin de mère, qui grandit dans une île sauvage de la Méditerranée, en découvrant ses sentiments, tout aussi sauvages que l’île et la mer, sans pouvoir se les expliquer.
Quelle œuvre vous évoque le soleil et la chaleur ?
Sans surprise, L’Étranger de Camus parce qu’on sent bien que ce soleil brûlant, écrasant a un impact, comme on dit aujourd’hui, extrêmement fort sur Meursault. C’est ce qui l’accable, ce qui lui donne envie de retrouver peut être ce qu’il a perdu, c’est-à-dire la fraîcheur de l’enfance, peut être la fraîcheur de l’amour. Malheureusement ce soleil gagne finalement sur la fraîcheur et le pousse à tuer.
Quel est l’auteur dont vous avez lu le plus de livres ?
Je crois que c’est Aharon Appelfeld, dont j’ai traduit 14 livres !
Y a-t-il une phrase qui vous accompagne, que vous connaissez par cœur ?
Je n’attendais plus rien quand tout est revenu, la fraîcheur des réponses, les anges du cortège, les ombres du passé, les ponts de l’avenir, surtout la joie de voir se tendre la distance. C’est le début d’un poème de Pierre Reverdy.
Quel livre n’est pas assez connu selon vous ?
Il y a un livre qui a eu son heure de gloire mais qui mérite d’être cité encore plus, c’est Le Mur invisible de Marlen Haushofer qu’une libraire à Paris m’avait conseillé en 1995. Un livre sorti au tout début des années 1960 et qui relate l’histoire d’une femme invitée chez des amis, sortis en ville la veille au soir. Au matin, à son réveil, elle découvre qu’ils ne sont pas là et qu’un silence très inhabituel règne, même si on est à la campagne. En essayant d’aller sur la route pour voir s’ils n’ont pas eu un accident, elle découvre qu’un mur invisible entoure le périmètre dans lequel elle est. C’est une histoire extrêmement forte de survie, d’un retour à un mode archaïque de vie, parce que cette femme va vivre pendant des mois et des mois dans la solitude la plus extrême avec la nature. Sans électricité, sans savoir ce qui se passe autour. La radio n’émet plus rien. C’est une sorte de roman apocalyptique mais qui est loin d’être angoissant, un roman existentiel qui relie, je pense, le lecteur au fondement de ce qui fait nos vies, ce qui doit les faire et ce qui ne doit pas être oublié.
Quel auteur inviteriez-vous à Oh les beaux jours ! ?
J’adore faire des interviews de mes pairs ! J’aimerai bien interroger Virginia Woolf, Natalia Ginzburg et Elsa Morante. Parmi les auteurs contemporains, j’aimerai inviter Jonathan Safran Foer qui a une œuvre très importante selon moi et resserrée. Trois romans en 15 ou 20 ans; Tout est illuminé, Extrêmement fort et incroyablement près et Me voici.
J’ai longtemps cité Jean Valjean qui est certainement le premier héros littéraire qui m’a accompagné parce que ma sœur me lisait une version très abrégée d’un passage des Misérables où Jean Valjean sauve Cosette dans la forêt et prend le seau de sa main. Et dans ce geste de porter le seau -je le formule aujourd’hui évidemment-, j’ai compris que la littérature était un lieu où l’on reprend confiance. Et le personnage de Jean Valjean donnait confiance à la petite fille que j’étais.
Sophie, dans les Malheurs de Sophie a énormément compté pour moi, dans ma construction, ma perception de ce qu’était l’enfance, la transgression.
> Livre cité par Miguel Bonnefoy, qui a également choisit le personnage de Jean Valjean et par Blandine Rinkel qui elle, est touchée par Eponine.