Bertrand Belin
Entretien animé par Camille Thomine
Avec La Figure, son cinquième roman, Bertrand Belin poursuit son beau cheminement d’écrivain, avec un récit à la fois intime et elliptique, où l’enfance et la langue se heurtent à la brutalité d’un héritage familial. Replié dans un buisson de laurier — refuge mental et physique — le narrateur voit défiler sa propre histoire comme un film trouble : visions d’un père violent, errances adolescentes et échappées imaginaires. À ses côtés, « La Figure », entité mi-ironique mi-tutélaire, lui souffle des mots, l’interpelle, le trouble. Dans une prose inventive et précise, Bertrand Belin donne corps à une mémoire fissurée, où l’écriture devient un moyen de fuir, mais aussi de faire face.
À travers ce roman d’apprentissage disloqué, il interroge ce que devient la langue quand on vient d’un monde où elle n’a pas droit de cité. La Figure explore la tension entre oralité et littérature, entre le poids du silence et le surgissement d’une voix propre, l’absence de mots et l’appel d’une langue à inventer — un questionnement qui résonne avec son parcours de chanteur autant que d’écrivain.
Depuis plus de vingt ans, dans ses disques (Hypernuit, Tambour Vision) comme dans ses romans, tous publiés chez P.O.L (Requin, Grands carnivores), Bertrand Belin sculpte le réel par éclats, avec une mélancolie dense et une ironie lucide. La Figure prolonge ce geste artistique singulier, dans une langue rugueuse, élégante, habitée par les fantômes et la puissance de l’imaginaire.
À lire
- Bertrand Belin, La Figure, Éditions P.O.L, 2025.