cccccc

Archives

La petite bibliothèque de Nina Leger

Durant le festival, nous avons interrogé les autrices et auteurs invités sur une petite bibliothèque idéale. Rencontre avec Nina Leger qui a publié Mémoires sauvées de l’eau chez Gallimard.

 

Quelle œuvre vous évoque la mer ?

La Grande balade, un livre d’Hélène Bessette. C’est une écrivaine que j’aime énormément, qui écrit ce qu’elle appelle du “roman poétique”. Ça se passe dans les îles polynésiennes où son mari a été missionnaire, un truc un peu horrible. Mais de ça, elle a fait un livre tellement beau, avec des phrases où elle dit ce qu’est l’immensité de la mer et du ciel. Il y a ma phrase préférée dans toute la littérature : “Enfin du temps pour la couleur du ciel”. La description de la lumière, des corps accablés sur le bateau… c’est trop beau !

Quelle œuvre vous évoque le soleil et la chaleur ?

Il y a des passages que j’aime énormément dans Corniche Kennedy, sur ce qu’est le soleil à Marseille. Être sur les roches, avec notamment les odeurs, de sel mais aussi de pisse, qui ressortent. Je viens du sud et pour moi c’est vraiment associé à ça. Je trouve que Maylis de Kerangal capte très bien quelque chose du soleil et de l’été.

Quel est l’auteur dont vous avez lu le plus de livres ?

Peut-être Dostoïevski ? J’ai eu une grande phase, il y a longtemps. Je ne l’ai plus du tout relu depuis et je ne suis pas du tout sûre que je pourrai m’y replonger comme je l’ai fait. Pour moi, c’est un merveilleux souvenir de lecture. J’ai dévoré. J’ai eu la chance de le lire au moment où André Markowicz le retraduisait. J’avais lu mon premier Dostoïevski dans une vieille traduction où la langue est très lisse, on dirait un roman français du 19e. Ensuite j’ai découvert cette syntaxe totalement tordue et c’est devenu une drogue. Je passais de Dostoïevski en Dostoïevski ! Donc dans ma bibliothèque, c’est lui qui prend le plus de place très clairement !

Quel livre n’est pas assez connu selon vous ?

Il y a un livre que j’aime énormément, c’est Le Grand Barrage de l’écrivaine indienne Kamala Markandaya. Il m’a accompagné pour l’écriture de Mémoires sauvées de l’eau. Je l’ai découvert par hasard dans une librairie. Comme j’aime l’écriture des infrastructures, leur rapport à l’environnement mais aussi les questions des violences coloniales, il y a tout dedans.
Après la décolonisation de l’Inde, des anglais viennent construire un barrage pour réguler une rivière qui déborde. Il y a à la fois toutes les métaphores et quelque chose de très matériel, de très concret,  dans la construction d’un barrage, le bruit de l’eau.

Y a-t-il une phrase qui vous accompagne, que vous connaissez par cœur ?

“Enfin du temps pour la couleur du ciel”, je le redis ! Sinon, il y a comme ça des boussoles de pensées, qui m’accompagnent beaucoup. Des phrases qui viennent des essais d’Ursula Kroeber Le Guin, quand elle parle de notre réflexe d’appeler les choses “découverte”, ce qui est sans doute la meilleure façon que l’on a trouvé d’organiser l’oubli. Par exemple, pour caractériser comment quand on découvre l’Amérique, c’est en fait une façon d’oublier tout ce qui a précédé.

Quel est votre personnage préféré ?

Pereira prétend d’Antonio Tabucchi. Ça se passe au Portugal, il est un peu déprimé et il se fait régulièrement des sandwichs à l’omelette. J’ai beaucoup de tendresse pour ce Pereira !

 

La petite bibliothèque de Laure Murat

Durant le festival, nous avons interrogé les autrices et auteurs invités sur leur petite bibliothèque idéale. Rencontre avec Laure Murat qui a publié Toutes les époques sont dégueulasses chez Verdier.

 

Quelle œuvre vous évoque la mer ?

Les Travailleurs de la mer de Victor Hugo. C’est un roman extraordinaire. D’une puissance… Le combat de Gilliatt avec la pieuvre, c’est extraordinaire, et la description de la pieuvre ! Hugo dit “La pieuvre n’a pas pas de venin, pas de griffe”, pas de ceci, pas de cela, sur une page entière et à la fin il dit “Qu’est-ce donc que la pieuvre ? C’est la ventouse.” ! Je trouve ça extraordinaire. Et quand Gilliatt disparaît à l’horizon, ça me donne envie de pleurer à chaque fois tellement c’est prenant.


Quelle œuvre vous évoque le soleil et la chaleur ?

L’Étranger, forcément, parce que le soleil est tellement présent de façon tyrannique, qu’il serait même responsable du meurtre en quelque sorte. Mais il y a aussi un roman de science-fiction que j’aime beaucoup, Solaris, de Stanislas Lem, un grand chef-d’œuvre.

Y a-t-il une phrase qui vous accompagne, que vous connaissez par cœur ?

Je ne vais pas vous faire le coup de “Longtemps, je me suis couché de bonne heure” !

Il y a ce paragraphe du Cimetière marin :

Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d’un cœur, aux sources du poème,
Entre le vide et l’événement pur,
J’attends l’écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l’âme un creux toujours futur !

Je ne pensais pas que je le savais encore ! J’ai appris ça à 18 ans peut-être…


Quel est votre personnage préféré ?

Flush, le chien de la poétesse Elizabeth Barrett Browning, dans le roman de Virginia Woolf.

Quel est l’auteur dont vous avez lu le plus de livres ?

Il y a très peu d’auteurs que j’ai lu intégralement. De Proust j’ai tout lu, mais Proust c’est toujours l’exception*. C’est le seul que je relis. J’ai lu une très grosse partie de La Comédie humaine. Victor Hugo aussi, j’ai lu tous ses romans, sa poésie, mais pas tout son théâtre.

Quel auteur inviteriez-vous à Oh les beaux jours ! ?

Kev Lambert.


* Laure Murat, Proust, roman familial, Robert Laffont, 2023 (Prix Médicis essai, Prix Jean d’Ormesson).