Trois questions à Louise Mottier

Louise Mottier travaille autour de l’enfance, de l’exil, de la trace. Elle a écrit son premier essai au contact d’adolescents migrants et son premier roman, Bâtiment Babinski (Hors d’atteinte, 2025), raconte l’histoire d’une fratrie face à l’accident de leur père. Pour le projet Des nouvelles des collégiens, elle a accompagné une classe de 3e (collège François Mitterrand à Simiane). En cinq séances de deux heures, elle leur a fait découvrir l’écriture au côté de leur professeure de français. Une expérience enrichissante pour tous, très démocratique, conçue comme un espace d’expression libre, mais pas noté, sérieux mais moins scolaire.
Comment se sont déroulées ces séances d’écriture collective ? Comment écrit-on à plusieurs mains ?
Au départ, chez les collégiens, il y avait un peu le syndrome de l’imposteur, “Pourquoi est-ce qu’on écrit alors qu’on ne sait pas écrire ? Je n’aime pas lire…” Je ne leur ai pas donné de consigne particulière, j’avais juste besoin d’avoir la main sur le chronomètre pour ne pas passer trop de temps sur telle ou telle partie, ça file vite cinq séances ! Ils ont su piocher dans leurs outils scolaires et, par exemple, ont très tôt adopté le passé simple. La première rencontre a défini le thème, les bases, l’incipit. Puis, on a fait de petits groupes de quatre ou cinq élèves, chacun étant responsable d’une partie de la nouvelle. Deux groupes travaillaient en parallèle sur chaque développement. À la fin des séances, les collégiens lisaient à voix haute ce qu’ils avaient écrit. Ils étaient très fiers, ils s’applaudissaient spontanément.
Je ne voulais pas le faire. Mais depuis plusieurs minutes, j’écoutais la conversation de mes parents adoptifs. (Incipit de la nouvelle Tout partait d’une lettre)
Abandon des parents, sacrifice d’un père pour son fils, maladie, fugue, adoption… Comment est venue l’idée de la nouvelle ?
Je leur ai demandé “Que voulez-vous écrire ? C’est votre moment !” On est assez vite partis sur l’idée générale de la famille. Au tableau, on mettait les mots qui sortaient de nos discussions, un peu négatifs au début : séparation, problème, dispute, conflits entre frère et sœur… , puis par la suite amour, relation. À partir de ces mots, ils ont essayé de tirer de petites intrigues. Il y a eu beaucoup de débats, avec des votes, par exemple pour savoir si on allait vers le fantastique et la science-fiction ou vers quelque chose de plus réaliste. Et c’est l’équipe réaliste qui l’a emporté.
Que vous apportent les collégiens ? Que retirez-vous de cette expérience ?
C’est un âge encore plein d’émerveillement. Ils ont en eux une espèce de colère, envers les adultes, envers ce qu’ils ne comprennent pas et en même temps une grande générosité, une grande chaleur. Car finalement, ils sont très bienveillants les uns envers les autres. Les défiances et les moqueries ne durent jamais longtemps. C’est enrichissant de les entendre parler de leurs peurs, de leurs stress. J’étais touchée de faire partie de leur scolarité sur ce temps assez court des ateliers, où ils pouvaient faire entendre leur voix.

L’autrice Louise Mottier lors d’une intervention pour Des nouvelles des collégiens
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