ATTENTION, changement de lieu au Mucem : la rencontre a lieu dans la cour de la commande et non à l’auditorium.
Avec Colombe Boncenne et Abdellah Taïa.
Rencontre animée par Sophie Joubert.
Vivre à ta lumière, c’est le roman de Malika, la mère d’Abdellah Taïa, une femme née au Maroc dans un monde rural qui lui laissait peu de chances d’exister et d’échapper aux injustices. De 1954 à 1999, on la suit à travers trois moments clés de son existence et de l’histoire du Maroc, où elle tente de survivre. D’abord à la dureté de sa belle-famille et à la mort de son mari, jeune militaire tué en Indochine, puis à la France colonisatrice qui veut lui ravir sa fille Khadija, et enfin à la violence d’un jeune homosexuel qui, la veille de la mort du roi Hassan II, cherche à l’assassiner dans une société marocaine rongée par les interdits. Avec pudeur, dans une langue économe et toujours juste, Abdellah Taïa fait parler sa mère et lui rend hommage dans ce roman où l’on retrouve tous les thèmes qui jalonnent son œuvre depuis vingt ans, la violence de la mémoire, la place des femmes et des minorités dans un pays toujours hanté par son passé colonial.
De domination masculine et du corps des femmes, il est aussi question dans le roman de Colombe Boncenne, Des sirènes. Lorsque la narratrice apprend que sa mère est gravement malade, elle l’accueille chez elle. Cette intimité partagée va mettre au jour un secret de famille. Stupéfaite, la jeune femme tente de reconstituer les abus dont toutes les femmes de sa famille ont été victimes, leurs ramifications souterraines, leurs enlacements tortueux, leurs résonances dans le monde qui l’entoure. Convoquant les sirènes et les mythes qui ont toujours fécondé les grands récits, se frayant un chemin dans les eaux troubles des non-dits – la maladie, la mort, l’inceste – , Colombe Boncenne transforme le chemin vers le deuil en une odyssée intime d’où le mouvement de la vie et la parole sortent vainqueurs.
Deux magnifiques romans, portés par leur délicatesse, deux récits d’amour filial qui sortent du silence des femmes et des mères aussi complexes qu’attachantes.
À lire
- Colombe Boncenne, Des sirènes, Zoé, 2022.
- Abdellah Taïa, Vivre à ta lumière, Seuil, 2022.
En coréalisation avec le Mucem.