Abdellah Taïa
Entretien animé par Élodie Karaki
Abdellah Taïa signe un roman bouleversant, Le Bastion des larmes, où le retour d’un homme au Maroc, dans sa ville natale, fait remonter à la surface les fantômes d’une vie entière. Vingt-cinq ans après avoir quitté Salé, sa mère décédée, Youssef revient dans la maison familiale. Professeur d’université en France, il se retrouve happé par les blessures enfouies de l’enfance, les silences jamais brisés, les humiliations tues et les gestes d’amour restés à l’état de promesse. Comme toujours, Abdellah Taïa explore avec une rare délicatesse les liens complexes entre filiation, mémoire, exil et transmission. Dans une langue sobre, parfois presque chuchotée, il parvient à faire entendre ce que le chagrin, l’absence, la honte ou le désir ne peuvent dire à voix haute.
Né à Salé, au Maroc, Abdellah Taïa vit à Paris et construit depuis plus de vingt ans une œuvre littéraire libre et courageuse, traversée par les thèmes de l’homosexualité, de l’émancipation, de la marginalité. Premier écrivain marocain à avoir revendiqué publiquement son homosexualité, il est l’auteur d’une dizaine de livres traduits dans plusieurs langues, dont L’Armée du salut et Un pays pour mourir, et le réalisateur du film tiré de son premier roman.
Avec Le Bastion des larmes, couronné par le prix Décembre, il confirme son talent pour faire entendre les voix étouffées — celles des fils blessés, des mères absentes ou muettes, des êtres en quête d’un abri. Un moment fort en perspective avec un écrivain qui, livre après livre, fait de la littérature un espace de vérité et de résistance.
À lire
- Abdellah Taïa, Le Bastion des larmes, Julliard, 2024 (prix Décembre).