Entretien animé par Olivia Gesbert
L’amour, vu par François Bégaudeau, est un long fleuve tranquille. Dans son dernier roman, l’écrivain parvient admirablement à faire le récit de cinquante ans d”un amour ordinaire, vécu sans passion par un couple, Jeanne et Jacques. Lorsqu’ils se rencontrent, au début des années 1970, elle est réceptionniste dans un hôtel et lui, maçon dans l’entreprise de son père. Ce n’est pas le coup de foudre, mais leur amour se construit paisiblement, de balades en moto en rendez-vous à l’hôtel. Puis ils se marient, achètent une maison avec jardin et font un enfant. Leur mariage s’écoule sans nuages au rythme des émissions d’Europe 1, des chansons de Richard Cocciante, des grands prix de Formule 1, des catalogues de La Redoute et des après-midi loto. Les années s’enchaînent : un demi-siècle de vie commune en seulement 100 pages !
Pas d’histoire passionnelle, pas de rupture à grand fracas, ni douleurs ni blessures. François Bégaudeau rend visible ce qui habituellement passe sous les radars de la littérature. Il rend hommage aux couples qui font leur chemin tranquillement, sans épanchement, sans embrasement des cœurs. L’écrivain fixe l’amour ordinaire, célèbre dignement une routine qui n’exclut pas l’amour, mais qui en est au contraire le creuset.
Révélé par Entre les murs, adapté au cinéma par le regretté Laurent Cantet et récompensé de la
Palme d’or à Cannes, François Bégaudeau signe avec L’Amour son dix-huitième roman, assurément l’un des plus beaux.
À lire
- François Bégaudeau, L’Amour, Éditions Verticales, 2023.